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RECHERCHE ET PRÉVENTION EN SANTÉ ET EN SÉCURITÉ DU TRAVAIL

DÉVELOPPEMENT D'UN MODÈLE BASÉ SUR DES ALGORITHMES DÉCISIONNELS

par LUCIEN LEWYS ABENHAIM

et WILLIAM DAB

Lucien Lewys Abenhaim, responsable de programme, Projets spéciaux (programme de recherche 230 de l'IRSST) William Dab était consultant de l'IRSST au moment de la rédaction de ce dossier.

Notes et rapports scientifiques et techniques ÉTUDE E-003 INSTITUT NATÎOV 'l Dr î\yf y VLIQIT Dl QUÉBEC

CEMKÎ Dt UOUMLM'AHON MONTRÉAL

I.R.S.S.T. 505 ouest, boul. de Maisonneuve Montréal {Québec) H3A 3C2 (5141 288-1551 Télex: 055-61348

IRSST MTL

i. ues notes et rapporta scientifiques et techniques font état d'expenencea et de travaux menes par les équipés ou les services de rt.R S.S.T

II. Les methodes analytiques" et "techniques" sont celles mises au point ou retenues par n.R.S.S.T pour l'exécution de ses différents mandats

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Dépôt légal Bibliotheaue Nationale du Quebec 1er trimestre 1983

15 BN 2-550-02955-0 ISSN 0820-8395

TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS 6

1. RAISONS D'ÊTRE 7 1.1 RAISONS DE SANTÉ PUBLIQUE 1.2 RAISONS LIÉES À LA PRÉVENTION 1.2.1 LÉGITIMITÉ OE L'ACTION PRÉVENTIVE 1.2.2 LA PRÉVENTION COMME CHANGEMENT SOCIO-TECHNIQUE 1.2.3 URGENCES EN PRÉVENTION 1.3 RAISONS LIÉES AUX CARACTÉRISTIQUES DE LA RECHERCHE DANS LE

DOMAINE DES SCIENCES DE LA SANTÉ 1.3.1 LA CRISE INTERNE DES SCIENCES DE LA SANTÉ 1.3.2 RECHERCHE EN S.S.T., ACTION, INACTION 1.4 RAISONS DUES AU CONTEXTE DE LA PRÉVENTION ET DE LA RECHERCHE

EN S.S.T. 1.5 CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

2. LA DÉMARCHE PRÉVENTIVE 11 2.1 LES FACETTES DE LA PRÉVENTION 2.2 L'ALGORITHME DÉCISIONNEL DE LA PRÉVENTION 2.2.1 LES PRÉALABLES À L'INTERVENTION (PREMIÈRE ÉTAPE) 2.2.1.1 Révélation d'un problème 2.2.1.2 Estimation de l'importance du problème 2.2.1.3 Schéma explicatif 2.2.2 LA PLANIFICATION PROPREMENT DITE DE L'INTERVENTION

(DEUXIÈME ÉTAPE) 2.2.2.1 Moyens d'intervention 2.2.2.2 La stratégie d'intervention 2.2.3 L'ACTION (TROISIÈME ÉTAPE) 2.2.4 L'ÉVALUATION DE L'ACTION (QUATRIÈME ÉTAPE) 2.3 LES INTERVENANTS

3. LA RECHERCHE 17 3.0 INTRODUCTION 3.1 CATÉGORISATION DE LA RECHERCHE EN REGARD OE LA PRÉVENTION 3.1.1 LES RECHERCHES INSCRITES DANS LA PRATIQUE DE CHANGEMENT 3.1.1.1 Spécificité de ces types d'activités 3.1.1.2 La recherche-action proprement dite 3.1.1.3 Frontières 3.1.2 LA RECHERCHE FOURNISSANT UN CORPUS DE CONNAISSANCE

(RECHERCHE-THÉMATIQUE OU RECHERCHE-OBJET) 3.1.3 RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENTS TECHNIQUES 3.1.4 RECHERCHE FOURNISSANT LES ÉLÉMENTS DE SUPPORT À LA PRÉVENTION 3.2 CONCLUSION ET SYNTHÈSE OU CHAPITRE

4. INTÉGRATION DE L'ALGORITHME DE LA PRÉVENTION ET DE LA RECHERCHE EN SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL 21 4.0 INTRODUCTION 4.1 INTÉGRATION CRITÉRIÉE DE LA PRÉVENTION ET OE LA RECHERCHE 4.1.1 RÉVÉLATION D'UN PROBLÈME 4.1.1.1 Critères 4.1.1.2 Rôle de la recherche 4.1.2 ESTIMATION DE L'IMPORTANCE 4.1.2.1 Critères 4.1.2.2 Transformation positive 4.1.2.3 Types de recherche 4.1.3 SCHÉMA EXPLICATIF 4.1.3.1 Critères 4.1.3.2 Transformation positive 4.1.3.3 Types de recherche 4.1.4 MOYENS D'INTERVENTION 4.1.4.1 Cri tères

4.1.4.2 Transformation positive 4.1.4.3 Types de recherche 4.1.5 STRATÉGIE D'INTERVENTION 4.1.5.1 Critères 4.1.5.2 Transformation positive 4.1.5.3 Types de recherche 4.1.6 L'EVALUATION 4.1.6.1 Critères 4.1.6.2 Rôle de la recherche 4.1.6.3 Types de recherche 4.2 CONSÉQUENCES OPÉRATIONNELLES DE LA DÉMARCHE

RECHERCHE-PRÉVENTION 4.2.1 LOGIQUE OPÉRATIONNELLE 4.2.1.1 Révélation et évaluation 4.2.1.2 Étapes intermédiaires 4.2.2 MÉCANISMES DE RÉPONSE AUX NOEUDS DE DÉCISION 4.2.3 CONTINUUM ET HOMOGÉNÉITÉ DES DÉMARCHES 4.3 CONCLUSION DU CHAPITRE IV

Tableau I Révélation du problème 32 Tableau II Estimation de l'importance du problème „. 33 Tableau III Schéma explicatif 34 Tableau IV Moyens d'intervention 35 Tableau V Stratégie d'intervention 36 Tableau VI Évaluation 37

Résumé du dossier . __ 3g

Schéma I Algorithme décisionnel de la prévention . 13 Schéma 11 Intégration des algorithmes de la prévention et de la recherche 23 Schéma III Quelques exemples de "ré-entrées" dans l'algorithme 29

AVANT-PROPOS

L'existence d 'un lien entre la recherche et la prévention en s an t é et en sécuri té du travail s e m b l e ê t re une évidence pour l ' ensemble d e s part ies concernées . Trois publications (1) (2) (3) démont ren t amplement qu'il ex is te un a s s e z large c o n s e n s u s sur c e point. Si l 'exis tence de c e lien n 'es t mise en doute, fondamenta lement , par personne, la nature de c e lien es t , en général, t rès mal définie. Ce t te relation e s t m ê m e trop souvent la issée à e l l e -même en s e basant sur l'idée que puisque lien il y a, toute recherche sc ient i f ique es t donc utile à la prévention. Or, ce t t e dernière asser t ion es t loin d 'ê t re vérifiée dans t ous les cas .

Ce doss ie r cherche donc à vérifier la nature du lien en t re la recherche et la prévention car c ' es t , à nos yeux, de ce t t e définition que peuvent surgir les é léments de base d 'une politique de recherche en san té et sécur i té du travail. Les raisons les plus cri t iques qui justifient ce t te dernière asser t ion, sont e x p o s é e s au premier chapitre, intitulé "Raisons d 'ê t re" .

Nous avons jugé nécessai re , à d e s fins de clarification, de retracer la logique de la démarche préventive, en nous inspirant de travaux cons idérés aujourd'hui c o m m e c lass iques d a n s c e domaine et nous avons développé un Algorithme Décisionnel de la Démarche Préventive (ADDP) (Chapitre 2).

La recherche e s t ensu i te ca tégor i sée à partir de s e s caractér is t iques propres. On s 'aperçoi t alors que la recherche en s an t é et en sécuri té du travail s 'art icule naturellement autour d 'axes déf inis par l'intervention préventive au sein de ce changement soc io - t echn ique qu 'es t la prévention (chapitre 3).

À partir de c e s deux derniers chapitres, il est possible d 'e f fec tuer une intégration de l 'algorithme de la prévention et de la recherche en s an t é et en sécuri té du travail, permettant d'expliciter la nature du lien qui les unit et d 'en tirer d e s conc lus ions en te rmes opérat ionnels (chapitre 4).

I.R.S.S.T. Études E-003 Recherche et prévention Page 7

1. RAISONS D'ÊTRE

1. RAISONS D'ÊTRE

1.1 "RAISONS DE SANTÉ PUBLIQUE"

1. La s a n t é au travail e s t un a s p e c t particulier de la s a n t é publique, d a n s laquelle elle s ' inscr i t to ta lement .

2. Les " r a i sons d e s a n t é pub l ique" qui s ' appl iquent à t o u t e s les d é m a r c h e s de s a n t é au travail devraient d o n c s ' app l iquer à ce l l e s m e n é e s d a n s le cadre part iculier d e la recherche .

3. Or qui dit s a n t é publ ique dit prévent ion. C 'es t c e que s ignif ie la volonté géné ra l e d 'é l iminat ion à la s o u r c e d e s d a n g e r s pour la s a n t é et la s écu r i t é d e s travail leurs qui devrait prévaloir à t o u t e d é m a r c h e de s a n t é publ ique app l iquée au travail.

4. p a n s le d o m a i n e de la r eche rche en s a n t é au travail, une volonté part iculière devrait é g a l e m e n t s ' appl iquer : celle d e retenir en priorité d e s s u j e t s et pro je ts d e r e c h e r c h e permet tan t d 'about i r à d e s r ésu l t a t s c o n c r e t s et ut i les aux travailleurs.

5. Ce t t e doub le volonté, - g é n é r a l e et par t icul ière- peut ê t re fo rmulée de ta f a çon suivante; " L e s r e c h e r c h e s d a n s le d o m a i n e de la s a n t é au travail doivent, avant tout , servir d e b a s e à l 'act ion. Dans c e c a s précis , c ' e s t d ' ac t ion préventive qu'il s ' ag i t " .

6. Dès lors, la ques t ion d e la na ture du lien en t re la r eche rche et la prévent ion e s t un préalable à l 'é laborat ion d ' u n e poli t ique d e r eche rche en s a n t é et sécur i t é du travail, à la déf ini t ion d e s priorités, la planification et la p rogrammat ion de la recherche .

1.2 RAISONS LIÉES À LA PRÉVENTION

1.2.1 LÉGITIMITÉ DE L'ACTION PRÉVENTIVE

1. L' idée d e prévention r e p o s e sur un pos tu la t fondamenta l : la maladie et l ' acc ident liés au travail peuvent ê t re évités, au t rement dit ils ne sont p a s d u s à la fatal i té .

2. Autre pos tu la t : si l'on e s t c apab l e d ' i so ler un p h é n o m è n e nuis ible et d ' en dé t e rmine r les c a u s e s , on devrait ê t re c a p a b l e d e le prévenir.

3. C e s deux pos tu la t s , parmi d ' au t res , s ignif ient que l'on d i spose , d ' u n e part , d ' un savoir sc ien t i f ique , et d ' au t r e part, d ' u n e représenta t ion sc ien t i f ique du p h é n o m è n e .

C'est pourquoi l'on admet généralement que la recherche scientifique donne sa légitimité à l'action préventive.

4. Mais l'on en res te t rop souvent là, c ' e s t - à - d i r e à un niveau trop général pour ê t r e opéra t ionnel .

1.2.2 LA PRÉVENTION COMME CHANGEMENT SOCIO-TECHNIQUE

1. L ' ensemble d e s act ivi tés d e prévention peut ê t re décri t c o m m e un p r o c e s s u s d e changement socio-technique, en c e s e n s qu 'e l l es s ' inscr ivent au se in de s t r u c t u r e s et d e rappor t s soc iaux qu 'e l les con t r ibuent d 'a i l leurs à façonner .

2. C e s act ivi tés sont é t ro i tement l iées, d a n s leur déve loppement , aux c o n n a i s s a n c e s u t i l i sées d a n s le d o m a i n e général de la product ion,

3. L'intervention préventive, qui s ' inscr i t d a n s ce t ensemble , es t a lors mieux ca rac t é r i s ée c o m m e :

(i) une pra t ique de c h a n g e m e n t su r le terrain, (ii) qui s ' a p p u i e su r un c o r p u s d e c o n n a i s s a n c e s permet tan t e s sen t i e l l emen t d 'ex-

pliquer le p rob lème d e san té ,

(iii) qui uti l ise d e s r e s s o u r c e s t e c h n i q u e s variées, (iv) et qui e s t s u p p o r t é e par d e s é l é m e n t s informat ionnels à l ' interface de p lus ieu r s

d o m a i n e s , le tout visant à protéger une populat ion con t re d e s p r o b l è m e s d e s a n t é prévisibles.

4. C h a c u n e d e c e s qua t re d i m e n s i o n s e s t liée d ' u n e façon ou d ' u n e au t re à la r eche rche . Aussi convient- i l d e spéci f ie r la na ture du lien en t re la r eche rche et c h a c u n e d e c e s qua t re d imens ions .

1.2.3 URGENCES EN PRÉVENTION

1. Dans le con t ex t e d e la s a n t é du travail, on e s t f r é q u e m m e n t a m e n é à intervenir d e façon u rgen te su r d e s p rob lèmes d e s a n t é graviss imes .

2. Il e s t d o n c n é c e s s a i r e d e préc iser la p lace du p r o c e s s u s de r eche rche d a n s u n e si tua-tion d ' u rgence .

3. Ceci e s t une raison supp lémen ta i r e pour é luc ider la na ture du lien en t r e la r e c h e r c h e et la prévention.

1.3 RAISONS LIÉES AUX CARACTÉRISTIQUES DE LA RECHERCHE DANS LE DOMAINE DES SCIENCES DE LA SANTÉ

Il faut éga l emen t s e pose r la ques t ion d e la na ture du lien en t r e la r eche rche et la préven-tion pour d e s ra i sons propres à la recherche , qui son t n o m b r e u s e s . S e u l e s les deux p lus "c r i t i ques" ont é t é r e tenues . Les a u t r e s sont , soit év identes , soit a b o r d é e s d a n s l 'esprit de la t ro is ième part ie de c e d o c u m e n t .

1.3.1 LA CRISE INTERNE DES SCIENCES DE LA SANTÉ

1. La r eche rche en s a n t é et sécur i t é du travail e s t un d o m a i n e d a n s lequel la c r i se in-te rne d e s s c i e n c e s d e la s a n t é s e m a n i f e s t e d e la façon la p lus a iguë .

2. Les s c i e n c e s d e la s a n t é butent su r deux o b s t a c l e s ma jeurs : (i) la mul t icausa l i té d e s p rob lèmes d e san té ,

(ii) l ' a b s e n c e d e c o n s e n s u s su r la na ture d e s p rob lèmes (sociale, psycholog ique , biologique, etc...)

3. Face à c e s o b s t a c l e s , l es s c i e n c e s de la s a n t é hés i ten t à c a u s e :

d e s l imites d e leurs out i ls m é t h o d o l o g i q u e s et d e leurs app roches , d e la dif f icul té de quant i f icat ion d e s p h é n o m è n e s , de l ' impossibi l i té é th ique d e l 'expér imentat ion chez l 'humain.

4. Les expe r t i s e s s ' exe rcen t d o n c à l ' intérieur d e c h a q u e spécial i té , et su r d e s var iables t rès con t rô l ées , a lors q u e la plupart d e s p rob l èmes m a j e u r s son t mul t i causaux , mul t i factor ie ls et q u e les s t r a t ég i e s d ' intervention appel lent une c o n n a i s s a n c e d e nombreux pa ramè t r e s t rès souvent exc lus d e s in fé rences sc i en t i f iques ac tue l les .

5. Mieux c o m p r e n d r e la na ture du lien en t re la r eche rche et la prévention devrait permet-t re d e c o m p e n s e r que lque peu les e f f e t s d e c e t t e cr ise.

1.3.2 RECHERCHE EN SANTÉ ET EN SÉCURITÉ DU TRAVAIL, ACTION, INACTION

1. Meilleure e s t la c o n n a i s s a n c e d 'un p rob lème de san té , plus e f f i c a c e s e r a l 'act ion si ce l le -c i e s t poss ib le .

2. Mais une exce l l en te c o n n a i s s a n c e d 'un p rob lème de s a n t é n 'about i t p a s fo r cémen t , pour t o u t e une sér ie d e ra isons , à une act ion e f f icace .

3. Inversement , d e s ac t ions e f f i c a c e s peuvent ê t re en t rep r i ses alors q u e l'on ne d i s p o s e q u e d ' u n e c o n n a i s s a n c e incomplè te du problème (l 'histoire d e s s c i e n c e s es t m ê m e j o n c h é e d ' a c t i ons e f f i c a c e s reposan t su r d e s visions to ta lement e r r o n é e s du problème).

4. À l 'extrême, vouloir c o m p r e n d r e "pa r f a i t emen t " un problème avant d ' intervenir peut ê t re " c o n t r e - p r o d u c t i f " (ce qui e s t parfois délibéré: r e c h e r c h e s e n t a m é e s d a n s le but d e gagner du temps) .

5. La limite en t r e la r eche rche permet tan t l 'action et celle a l imentant l'inaction e s t dif-ficile à t racer . S a n s s ' é t e n d r e su r c e su je t , il e s t c ependan t utile d ' i n s i s t e r su r c e point: c e n ' es t qu 'au prix d ' u n e réflexion ex t r êmemen t s t ruc tu rée et r igoureuse q u e d a n s un c o n t e x t e de limitation d e s r e s sou rces , on peut être à m ê m e d e chois i r d e s cr i tè res de per t inence pour la recherche en s a n t é et en sécur i t é du travail.

6. On ne peut faire l'économie de la question suivante: cette recherche accéiérera-t-elle ou ralentirait-elle l'action préventive?

1.4 RAISONS DUES AU CONTEXTE DE LA PRÉVENTION ET DE LA RECHERCHE EN SANTÉ ET EN SECURITE DU TRAVAIL

1. Parmi c e s raisons, la principale es t , s a n s nul doute, le contexte s o c i o - é c o n o m i q u e -voire politique-, dans lequel la prévention et la recherche en san té et en sécur i té du travail évoluent.

2. Dans c e contexte , la s an t é es t un en jeu et, de c e fait, il n 'existe pas de c o n s e n s u s sur la façon de comprendre et de définir les problèmes en s an t é et en sécur i té du travail.

3. À cet égard, les modè les d'explication p roposés par la recherche scient i f ique ne sont pas neu t res - m ê m e si le recueil et le traitement d e s d o n n é e s sont "objec t i f s" .

4. De plus, si la "crédibili té" de la recherche exige que tou tes les activités témoignent d 'une démarche scient i f ique libre, intègre et r igoureuse, tout le monde es t consc ien t d e s implications soc io - économiques et politiques qui peuvent en découler .

5. La démarche préventive est fortement liée, particulièrement dans le con tex te québécois , à la démarche communautai re . Celle-ci englobe, par nature, les dimen-s ions soc io - économiques et politiques qui nous préoccupent .

6. En s 'art icuiant ainsi avec la démarche préventive, la recherche en s an t é et en sécur i té du travail doit être capable de définir son rôle d a n s l 'action communauta i re .

1.5 CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

Au cours de ce t t e première partie, nous avons pu affirmer, en accord avec l ' ensemble d e s intervenants et chercheurs , que la conna i s sance scient i f ique sert de légitimation première à l 'action préventive et que le savoir scient if ique es t , dans une certaine mesure , un "p ré - requ i s " à ce t t e action. Nous avons pu cons ta te r que la recherche just if ie son utilité en insistant sur s e s impacts en terme de prévention. Nous avons pu, par ailleurs, montrer que les activités de recherche en s an t é et en sécur i té du travail doivent s ' inscr ire d a n s le cadre de l 'action préventive et que plus généralement , tous les pos tu la t s de s an t é publique devraient s 'appl iquer à la démarche de recherche. Nous avons vu, éga lement , que l 'action préventive procède du changement soc io - t echn ique et que la recherche en e s t partie intégrante. Enfin, nous avons tenté de montrer que, afin de pouvoir trouver s a voie d a n s le réseau complexe d e s enjeux soc io - économiques et politiques, au sein de la cr ise interne d e s s c i ences de la santé , la recherche en s an t é et en sécur i té du travail ne peut pas faire l 'économie de la quest ion suivante: ce t t e recherche faci l i tera-t-ei le ou non l 'action préventive?

I.H.S.S.T. Etudes E-003 Recherche et prévention Page 11

2. LA DÉMARCHE PRÉVENTIVE

2. LA DÉMARCHE PRÉVENTIVE

Avant d e ca t égor i se r la r eche rche par rapport à la d é m a r c h e préventive, un bref rappel d e q u e l q u e s no t ions s u r c e t t e d é m a r c h e doit ê t re e f f e c t u é .

2.1 LES FACETTES DE LA PRÉVENTION

1. On peut d i s t inguer t rois g r a n d s t ypes d e prévention: prévention primaire, prévent ion s e c o n d a i r e et prévention tertiaire.

2. La prévention primaire a pour but d e d iminuer ( ' inc idence d 'un p rob lème d e s an t é . Elle s e définit d o n c c o m m e l 'act ion sur les c a u s e s du problème.

3. La prévention secondaire a pour but de diminuer la prévalence d 'un p rob lème d e s a n t é , c ' e s t - à - d i r e d e limiter le déve loppement d ' u n e maladie ou d ' u n e lés ion. Elle s - 'adresse d o n c aux s y m p t ô m e s et aux s i g n e s p r é c o c e s d e c e t t e a t te in te de la s a n t é en s ' a t t a c h a n t à favoriser l ' é tab l i ssement le p lus p récoce poss ib le du d i agnos t i c (grâce au d é p i s t a g e et aux e x a m e n s médicaux périodiques), afin q u e les c h a n c e s d e correc t ion so ien t plus g randes .

4. La prévention tertiaire a pour but de limiter les c o n s é q u e n c e s d 'un p rob lème ( rechutes , compl ica t ions , s é q u e l l e s dont on n 'a pu e m p ê c h e r la survenue).

5. Une tel le d is t inc t ion n ' es t opéra t ionnel le que si l 'on spéc i f i e la na ture du p rob lème qu 'on c h e r c h e à prévenin ainsi, une act ion de prévent ion tertiaire d ' u n e d é f i c i e n c e a n a t o m o - p a t h o l o g i q u e e s t éga lement une act ion d e prévention primaire d 'un han-d icap (mais l ' inverse n ' e s t pas vrai).

6. En mat iè re d e santé au travail, la triple dis t inct ion q u e n o u s venons d e faire s 'appl i-q u e a s s e z bien. La prévention primaire s ' a d r e s s e à un f ac t eu r de r i sque (ex: ie bruit d a n s l 'entreprise), la prévention s e c o n d a i r e à une maladie à son s t a d e p r é c o c e (ex: un d é p l a c e m e n t du seuil auditif), la prévention tert iaire à u n e compl ica t ion ou une malad ie avancée (ex: la surdité).

7. En mat iè re d e sécurité au travail, le ca rac tè re souda in de la su rvenue d 'un acc iden t , rend diff ici le le déve loppemen t d e s ac t ions de prévention seconda i re .

Dans c e c a s , en e f fe t , l ' intervenant e s t soit c o n f r o n t é à un acc iden t dé j à survenu et s e u l e s d e s ac t ions de prévention tert iaire son t p o s s i b l e s (ex: déve lopper d e s m é t h o d e s d e s a u v e t a g e minier pour limiter le nombre d e vic t imes à la su i t e d ' u n e ca tas t rophe) , soi t f a ce à un " r i sque" d ' acc iden t qui just i f ie d e s a c t i o n s de prévent ion primaire (ex: interdire ou éviter d e c r euse r une galerie d a n s un terrain meuble) . C ' e s t c e qui d o n n e à la prévention d e s a c c i d e n t s de travail son ca rac t è r e spéc i f i que car, en l ' a b s e n c e d ' u n e b o n n e prévention primaire, on ne peut c o m p t e r sur d e s ac t iv i tés d e prévention seconda i r e pour s e "ra t t raper" .

2.2 L'ALGORITHME DÉCISIONNEL DE LA PRÉVENTION

1. La s a n t é publ ique tend de plus en plus à adop te r une d é m a r c h e d e planif icat ion. (4)(5)

2. Cel le-c i e s t c o n s t i t u é e d ' u n e su i te d ' é t a p e s formant un e n s e m b l e intégré d 'ac t iv i tés . Cet e n s e m b l e doit viser à l 'a t te inte d 'un objectif dé t e rminé pour une populat ion déf inie .

3. En adap tan t les a lgor i thmes d é s o r m a i s c l a s s i q u e s de la prévention, et en y intégrant u n e sér ie de ques t ions , on obt ient un "a lgor i thme déc i s ionne l " p r é s e n t é au s c h é m a I. Il s 'agi t , bien sûr, d ' u n e simplif icat ion séquen t ie l l e d 'un p r o c e s s u s com-plexe d e prise d e déc i s ion . Ce "dépou i l l emen t " , m ê m e artificiel, e s t c e p e n d a n t in-d i spensab l e .

4. On peut d i s t inguer qua t re é t a p e s d a n s ce t t e démarche :

(i) la première é t ape dite "préa lab le"

(ii) l ' é tape d e la planification proprement dite d e l 'action (iii) l 'act ion (ou intervention) (iv) l 'évaluation d e s ac t ions .

DÉFINITION DES OBJECTIFS D' INTERVENTION

RÉVÉLATION DU

PROBLÈME

' COMPRIS ^ SUFFISAMMENT ^ POUR AGIR? y

MOYENS ^ EFFICACES

DISPONIBLES?

f STRATÉGIE \ D INTERVENTION V DISPONIBLE? y

IMPORTANCE CONNUE?

\ ÉTAPE I

S c h é m a I A l g o r i t h m e d é c i s i o n n e l d e l a p r é v e n t i o n

J \ / \ / V ÉTAPE II ÉTAPE III ÉTAPE IV

2.2.1 LES PRÉALABLES À L'INTERVENTION (PREMIÈRE ÉTAPE) Les préalables ont pour but de:

a) reconnaître un problème de san té b) décider si une intervention préventive est nécessai re .

On peut la subdiviser en trois p h a s e s (il faut garder à l'esprit que c e s trois phases sont le plus souvent concomi tan tes ou simultanées).

2.2.1.1 Révélat ion d ' un p r o b l è m e

1. C 'es t l 'amorce de la démarche préventive. Un doute e s t soulevé à propos d 'un événe-ment quelconque. Ce doute peut concerner l 'environnement (au s e n s large) ou la s an t é d 'un travailleur ou, bien sûr, une relation entre l'un et l 'autre.

2. Au s c h é m a I, la révélation du problème est représentée par un rectangle car ce t t e phase ne peut faire l 'objet que d 'un seul type de décision, c ' e s t - à - d i r e en tamer la démarche préventive.

2.2.1.2 Es t imat ion d e l ' impor t ance du p r o b l è m e

1. Déterminer l ' importance d e s problèmes est évidemment primordial afin de définir les besoins en prévention.

2. La première quest ion posée ici es t : l ' importance de ce problème es t - e l l e dé jà connue?

3. Cet te importance peut être dé terminée en te rmes qualitatifs et quanti tat ifs .

2.2.1.3 S c h é m a explicatif

1. Il s 'agit ici de savoir si l'on d i spose d 'une compréhens ion de la nature et d e s c o n s é q u e n c e s du problème.

2. Cet te compréhens ion doit être c i rconstanciée en te rmes de définition d e s ob jec t i f s opérat ionnels .

3. Il s 'agit donc, non pas d 'une compréhens ion absolue du problème mais d ' une com-préhension "suf f i san te pour entamer d e s act ions préventives". C'est évidemment la quest ion la plus difficile, mais aussi la plus importante.

Au terme d e s trois p h a s e s de ce t te première étape, on doit être capable de définir le problème s'il existe c ' e s t - à -d i r e de l'expliciter et de définir les object i fs que l'on cherche à at teindre en te rmes d'intervention. Ceci représente l 'entrée dans la deuxième é tape .

2.2.2 LA PLANIFICATION PROPREMENT DITE DE L'INTERVENTION (DEUXIÈME ÉTAPE)

Une fois les object i fs définis, il faut répertorier les moyens dont on d i spose pour:

a) intervenir sur le problème

b) définir une s t ra tégie d'intervention.

2.2.2.1 Moyens d ' in tervent ion

1. Il s 'agit de savoir s'il existe d e s outils e f f icaces permettant d e prévenir le problème. C 'es t la quest ion: " d e s moyens e f f icaces sont - i l s d isponibles" ?

2. Ces outils sont : • ceux de la modification du milieu, c ' e s t - à -d i r e de l 'environnement au s e n s

restreint (milieu de travail)

• ceux de la modification de l 'environnement au s e n s large (cadre social et juridique)

• l 'information sanitaire • le dép is tage • les examens médicaux périodiques • la vaccination.

3. On cons ta te que les domaines dans lesquels s 'appliquent c e s outils sont: l'environ-nement , l'individu et l 'organisation du sys tème de soins .

4. On c o n s t a t e éga l emen t que c e s out i ls peuvent s ' a d r e s s e r auss i bien à la prévent ion primaire q u e s e c o n d a i r e d e s p rob lèmes , se lon le ca s .

5. En c e qui c o n c e r n e la prévention tertiaire, le t ra i tement , la réadapta t ion et l es s y s t è m e s d ' u r g e n c e doivent ê t re inclus d a n s c e s outi ls .

2.2.2.2 La s t r a t é g i e d ' i n t e rven t ion

1. Définir une s t ra tég ie d ' intervent ion, c ' e s t chois i r les ac t ions maximisan t les c h a n c e s d ' a t t e ind re un objectif d o n n é .

2. Connaî t re l ' impor tance d 'un problème, le c o m p r e n d r e s u f f i s a m m e n t pour agir, d i s p o s e r d e m o y e n s d ' intervention peut s ' avérer futi le en l ' a b s e n c e d ' u n e s t r a t ég i e d ' intervent ion a d é q u a t e .

3. Tou tes les f a c e t t e s d e la prévention, s e s out i ls ainsi q u e leurs d o m a i n e s d 'appl ica-tion, peuvent ê t re c o n c e r n é s .

2.2.3 L'ACTION (TROISIÈME ÉTAPE)

Lorsqu'il e s t pos s ib l e d e répondre aff i rmat ivement aux q u e s t i o n s p r écéden t e s , l 'on e s t a lors en m e s u r e d' intervenir, c ' e s t - à - d i r e d e me t t r e su r pied d e s ac t ions de prévent ion primaire, s e c o n d a i r e ou tertiaire. C ' e s t év idemment , pour les in tervenants , l ' é tape primor-diale mais il n ' e s t p a s n é c e s s a i r e d 'é laborer ici su r c e point.

2.2.4 L'ÉVALUATION DE L'ACTION (QUATRIÈME ÉTAPE)

1. Toute act ion doit faire l 'objet d ' u n e évaluation qui s ' a d r e s s e : a) à la m e s u r e du deg ré d ' a t t e in te d e s ob jec t i f s

b) au p r o c e s s u s se lon lequel le p h é n o m è n e s ' e s t déroulé c) à la pe r t inence d e s m o y e n s employés .

2. L'évaluation intervient d o n c ap rè s le d é b u t de l 'action mais peut ê t re e n t a m é e à n'im-por te quel le é t a p e du p r o c e s s u s .

3. Le principal intérêt d e l 'évaluation e s t l 'aide à la déc is ion qu 'e l le appor te , et il faut la cons idé r e r non p a s c o m m e le point final d e l ' intervention mais plutôt c o m m e le point d e dépar t d ' in te rvent ions amél io rées .

4. En c e s e n s , l 'évaluation e s t t r ès liée à la prospect ive .

2.3 LES INTERVENANTS

1. Le t e rme " in t e rvenan t s " es t ut i l isé ici d a n s son s e n s large, qui dés igne :

le m o n d e du travail (travailleurs, employeurs et leurs représen tan t s ) - le s y s t è m e d e s o i n s (infirmières, médec in s , p ro fe s s ionne l s de la s a n t é e t

o rgan i smes )

les s y s t è m e s de survei l lance sani ta i re s y s t é m a t i q u e

2. Les in te rvenants son t c o n c e r n é s à c h a c u n e d e s é t a p e s de l 'algorithme: révélation d 'un problème, compréhens ion , es t imat ion d e son importance, j u squ ' à l 'évalua-tion. Ils y jouent év idemment un rôle primordial sur lequel n o u s n ' i n s i s tons p a s mais qu'il faut garder à l 'esprit tout au long d e c e doss ie r .

I.R.S.S.T. Études E-003 Recherche et prévention

3. LA RECHERCHE

3. LA RECHERCHE

3.0 INTRODUCTION

1. Dans tout p r o c e s s u s d 'é laborat ion d ' u n e poli t ique d a n s le d o m a i n e d e la r e c h e r c h e sc ien t i f ique , on about i t p r e s q u e inévi tablement à une d is t inc t ion e n t r e la r e c h e r c h e f o n d a m e n t a l e et la r eche rche appl iquée , ou mieux, " f ina l i sée" .

2. C e t t e d is t inc t ion s ' appu ie , j u s t emen t , su r la finalité première d e la product ion sc ien-t i f ique: la r e c h e r c h e f o n d a m e n t a l e renvoie à une d é m a r c h e dont le but e s t avant tou t d e faire p rog re s se r les c o n n a i s s a n c e s , a lors q u e la r eche rche app l iquée ou f ina l i sée fait r é f é rence à l 'utilisation de la m é t h o d e sc ien t i f ique en vue de trouver d e s solu-t ions à d e s p rob l èmes conc re t s . Bien en t endu , la limite n ' e s t p a s t ou jou r s bien t r anchée .

3. Si l 'on a c c e p t e l ' asser t ion se lon laquelle la prévention e s t une d é m a r c h e d e c h a n g e -men t s o c i o - t e c h n i q u e , c ' e s t à la solut ion d e s p rob l èmes sou levés au c o u r s d e c e t t e d é m a r c h e q u e la r eche rche en s a n t é et en s écu r i t é du travail doit s ' appl iquer , et c ' e s t se lon la m ê m e logique qu 'e l le peut ê t re c a t égo r i s ée .

4. L'intervention préventive (au se in du p r o c e s s u s de c h a n g e m e n t s o c i o - t e c h n i q u e ) a é t é c a t é g o r i s é e c o m m e :

(i) u n e pra t ique d e c h a n g e m e n t su r le terrain. (ii) qui s ' a p p u i e su r un c o r p u s de c o n n a i s s a n c e s ,

(iii) qui util ise d e s r e s s o u r c e s t e c h n i q u e s variées, (iv) et qui fait appel à d e s é l é m e n t s d e suppor t informat ionnel .

5. En c o r r e s p o n d a n c e , l es act ivi tés de r eche rche peuvent ê t re c a t é g o r i s é e s se lon qua t r e axes :

(i) d e s r e c h e r c h e s d i r ec t emen t inscr i tes d a n s la pra t ique de c h a n g e m e n t su r le ter-rain, c ' e s t - à - d i r e d a n s l 'action,

(ii) d e s r e c h e r c h e s a l imentant l 'action en lui fourn i ssan t un c o r p u s d e c o n n a i s s a n c e s ,

(iii) d e s r e c h e r c h e s permet tan t ie déve loppemen t d e r e s s o u r c e s t e c h n i q u e s , (iv) d e s r e c h e r c h e s fourn i ssan t les é l é m e n t s d e suppor t informat ionnel don t la

prévent ion a beso in .

3.1 CATÉGORISATION DE LA RECHERCHE EN REGARD DE LA PRÉVENTION

3.1.1 LES RECHERCHES INSCRITES DANS LA PRATIQUE DE CHANGEMENT

1. Nous r eg roupons d a n s ce t t e ca tégor ie trois types d 'ac t iv i tés de r e c h e r c h e qui p o s s è d e n t ce r t a ines aff ini tés :

a) l es é t u d e s d e champ , b) la recherche- in te rven t ion , c) la r eche rche -ac t i on .

2. N o u s les r eg roupons e n s e m b l e car, pour c e qui n o u s i n t é r e s se ici, il ex i s t e un lien étroit en t r e c e s r e c h e r c h e s et l 'action (préventive), car si les m é t h o d o l o g i e s d i f fèrent , ii n 'en res te pas mo ins que t o u t e s son t parties intégrantes d e la d é m a r c h e préventive. Ce t t e "a f f in i té" es t indi rec tement d é m o n t r é e par la c o n f u s i o n qui ex i s te souven t d a n s l 'utilisation d e s t e rmes , celui d e " r e c h e r c h e - a c t i o n " é tant at t r ibué à c h a c u n e d e c e s activi tés, se lon les publ icat ions .

3.1.1.1 S p é c i f i c i t é d e c e s t y p e s d ' a c t i v i t é s

1. C e s act ivi tés d e r eche rche ont pour objectif de met t re su r pied un p r o g r a m m e d ' intervention à partir d ' u n e descr ip t ion et d ' u n e ana lyse d e s p rob lèmes d e s a n t é ain-si q u e d e s risques auxque l s son t e x p o s é s les travailleurs d 'une ent repr i se , d 'un s e c t e u r ou d ' u n e région d o n n é s (unité d e prévention).

2. La r eche rche e s t ici a m o r c é e à partir d ' u n e préoccupat ion n é e dans le cadre d ' u n e ac-tion préventive ou d ' u n e unité de prévention.

3. Les h y p o t h è s e s qu 'e l le t e s t e ne co r responden t pas à une d é m a r c h e purement théori-que , ma is son t d i rec tement l iées aux act ivi tés de prévention d a n s c e t t e uni té .

4. Les c o n n a i s s a n c e s g é n é r é e s son t ex t rapo lées à partir d e l ' expér ience propre à c e terrain.

3.1.1.2 La r e c h e r c h e - a c t i o n p r o p r e m e n t d i te

Compte tenu de la confus ion qui exis te autour du terme " recherche-ac t ion" , il n o u s a semblé utile d 'apporter que lques précis ions sur notre interprétation de s a signification. Introduite et développée d a n s le domaine de l 'éducation d e s adultes , la recherche-ac t ion es t en ef fe t por teuse d 'une problématique qui concerne la san té publique au premier chef , qui justif ie que l'on s 'y at tarde.

La définition de ta recherche-act ion e s t l 'objet d ' importants débats , mais on peut cepen-dant reconnaître d a n s c e concept , une triple volonté:

• La première es t celle d' inscrire la recherche dans une pratique socia le qui soit une dynamique de changement

• La seconde e s t celle d' impliquer les ac teurs sociaux dans la définition d e s ob-jectifs de la recherche et dans le choix d e s mé thodes

• La troisième concerne le s ta tut du chercheur qui n 'est plus l 'observateur "impar-tial" de la réalité mais es t , au contraire, partie intégrante du p r o c e s s u s de changement qu'il cherche à activer, auquel il participe.

Dans la su i te de c e document , nous avons regroupé les trois types de recherche s o u s le vocable " recherches inscri tes d a n s l 'action" , compromis acceptable qui permet plus faci lement de les englober. Le terme "recherche- ter ra in" est également utilisé.

3.1.1.3 Fron t iè res

Des front ières doivent être t r acées entre les recherches inscri tes dans l'action et: • l 'activité préventive proprement dite • les activités de recherche- thémat ique qui viennent vérifier d e s hypo thèses sur

un terrain donné.

3.1.2 LA RECHERCHE FOURNISSANT UN CORPUS DE CONNAISSANCES (RECHER-CHE-THÉMATIQUE OU RECHERCHE-OBJET)

1. Il s 'agit ici de c e s recherches qui alimentent la démarche préventive en lui fournis-sant un corpus de conna i s sances sur le problème de santé .

2. Ce type d e recherche vise donc à fournir cer ta ines b a s e s rationnelles à l 'action, ma i s n 'es t pas directement inscrit d a n s l 'action, contrairement aux recherches de la catégor ie précédente .

3. La recherche- thémat ique correspond à l ' image que l'on s e fait tradit ionnellement de la recherche, qui s e choisit un objet, un thème, et vise à obtenir le maximum de con-na i s sances per t inentes s 'y rapportant en multipliant les t e s t s d 'hypo thèses .

4. La recherche- thémat ique tend à tes ter c e s hypothèses dans le cadre de modè les théoriques, c ' e s t pourquoi elle représente la grande majorité d e s activités de recher-che dans le milieu universitaire.

5. C'est au niveau de c e s recherches qu'il es t parfois difficile de tracer une frontière net te avec ta recherche fondamentale . Cependant , la recherche- thémat ique en t re dans le cadre de ta recherche appliquée d a n s la mesure où elle vise cons t ammen t à alimenter la solution de problèmes concrets .

3.1.3 RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENTS TECHNIQUES

1. Ces recherches fournissent tes ressources techniques dont la prévention a besoin .

2. Elles s 'é talent du transfert de technologie à la concept ion et à la réalisation d 'out i ls t echniques d'intervention et t iennent pour cela une place importante d a n s le pro-blème qui nous occupe ici.

3. Elles ont un impact potentiel considérable sur les prat iques sanitaires, et ce d'autant plus que l'on comprend la prévention comme un changement socio-technique. Il es t certainement moins utile de s 'é tendre ici sur la définition de c e s recherches, qui es t a s s e z évidente.

4. Les frontières doivent être t racées avec, d 'une part, la recherche industrielle et, d 'autre part, la recherche-suppor t .

3.1.4 RECHERCHE FOURNISSANT LES ÉLÉMENTS DE SUPPORT INFORMATIONNEL DE LA PREVENTION

1. Il s'agit ici d'activités dont le but est de fournir des informations tout au long du pro-cessus de prise de décision et de recherche en prévention.

2. Ces activités de recherche peuvent aller de la mise au point de systèmes de gestion de banques de données sanitaires jusqu'à la création d'indices sanitaires, en passant par la construction de dénominateurs, les systèmes d'information, etc...

3. Il ne faut pas négliger le rôle joué par l'information scientifique et technique propre-ment dite, et sur les mécanismes de transfert des connaissances. Ce rôle est, à notre avis majeur aujourd'hui.

4. Ces activités sont souvent à la charge d'organismes étatiques ou para-étatiques, probablement à cause de l'aspect transversal ou macroscopique de leur champ d'activité.

3.2 CONCLUSION ET SYNTHÈSE DU CHAPITRE

Nous avons, dans ce chapitre, tenté de distinguer quatre grands types d'activités de recherche pertinentes à la prévention en santé et en sécurité du travail: recherches in» scrites dans l'action, recherche-thématique, recherche et développements techniques, recherche-support.

Cette distinction correspond à un triple but. 1. D'abord, cela permet de définir un statut à de nombreuses activités que l'on conçoit

toujours plus ou moins explicitement comme des activités de recherche mais qui, curieusement, sont souvent traitées de façon marginale par rapport à la recherche-thématique.

2. Ensuite, il s'agit de mettre le doigt sur les frontières à tracer entre le champ de la recherche appliquée et les nombreuses activités qui peuvent la toucher.

3. Enfin, cette catégorisation est une première façon d'expliciter le lien entre la préven-tion et la recherche. Cette dernière est ainsi catégorisée selon les axes de l'interven-tion préventive, au sein du processus de changement socio-technique.

L'on ne saurait terminer ce chapitre sans préciser que, comme toute catégorisation, celle-ci n'échappera pas à certaines imprécisions, ces différentes activités faisant partie d'un tout qu'il est utile de disséquer dans le but de générer des politiques et d'identifier des lacunes.

I.R.S.S.T. Études Recherche et prévention

E-003

4. INTÉGRATION DE L'ALGORITHME DE LA PRÉVENTION ET DE LA RECHERCHE

EN SANTÉ ET EN SÉCURITÉ DU TRAVAIL

4. INTÉGRATION DE L'ALGORITHME DE LA PRÉVENTION ET DE LA RECHERCHE EN SANTÉ ET EN SÉCURITÉ DU TRAVAIL

4.0 INTRODUCTION

1. La vocation de ce dossier est de déterminer fa nature du lien entre la prévention et la recherche. Ceci ne peut être effectué qu'en plaçant la recherche dans l'algorithme de la prévention. Le schéma II résume cette relation.

2. On constate que la recherche trouve sa place aux deux extrémités de la démarche préventive et qu'elle peut également y correspondre à chacune des étapes.

3. D'un côté, la recherche participe à la révélation des problèmes de santé et de sécurité du travail.

4. De l'autre côté, elle participe à l'évaluation qui est d'ailleurs essentiellement une démarche de recherche. C'est de façon plus ou moins synergique que ces participa-tions de la recherche s'effectuent avec les démarches des intervenants.

5. À toutes les autres étapes de l'algorithme, mais essentiellement au niveau des noeuds de décision, la recherche peut être mobilisée.

Ici, elle intervient lorsque des réponses affirmatives ne peuvent être apportées à chacune des questions. En d'autres termes, et de façon simplifiée, on peut dire que la recherche a pour but de transformer une réponse négative en une réponse affirmative, ou encore de renforcer l'affirmation à chaque noeud de décision.

Dans ce dernier chapitre, nous allons indiquer 1) - quels sont les critères de décision, s'il y a lieu

comment la recherche transforme une négation en affirmation, ou comment elle renforce une affirmation

- quelle est la spécificité de chaque type de recherche à chaque étape (voir tableaux I à VI).

2) - quelles sont les conséquences opérationnelles de cette intégration quels sont la nature et le type du lien entre la recherche et la prévention,

La nature du lien peut être catégorisée comme suit: lien de nature "formelle" : dans ce cas, le lien est absolu, catégorique, la recher-che est formellement liée à la prévention. lien de nature "conditionnelle" : ici, l'opportunité de la recherche, sa place, sont soumises à certaines conditions, déterminées par la prévention.

Quelle que soit la nature du lien, son type peut varier. Ainsi, on peut distinguer: • le type résolutif: une fois l'opportunité de la recherche acceptée, ce n'est que

grâce à elle que certaines décisions pourront être prises. • le type contributif: ici, la recherche n'est pas la seule à pouvoir répondre à cer-

taines questions. On constate que quatre combinaisons peuvent se présenter

• lien formel de type résolutif v. lien formel de type contributif • lien conditionnel de type résolutif • lien conditionnel de type contributif

Intégration des algorithmes de la prévention et de la recherche

4.1 INTÉGRATION CRITÉRIÉE DE LA PRÉVENTION ET DE LA RECHERCHE

4.1.1 RÉVÉLATION D'UN PROBLÈME 4.1.1.1. Critères

1. Il n'y a pas, ici, de critê.is de décision car, comme on l'a vu, la révélation d'un pro-blème devrait entraîner automatiquement l'amorce de la démarche préventive.

2. Le lien entre la prévention et la recherche est donc de nature "formelle" (car la recherche fait formellement partie des démarches de révélation du problème, à côté des activités des intervenants) et de type "contributif" (car la recherche n'est pas la seule activité permettant de révéler un problème).

3. De ce fait, les recherches dans ce domaine sont toujours justifiées, puisqu'elles devraient enclencher des actions préventives au même titre que l'action des in-tervenants. Reste à savoir quelles recherches et dans quelles proportions, ce qui est une question de politique.

4.1.1.2 Rôle de la recherche (tableau I) La recherche permet ici de révéler des problèmes auxquels les intervenants ne seront

pas obligatoirement ou spécifiquement confrontés s'ils n'adoptent pas, précisément une démarche de recherche.

4.1.2 ESTIMATION DE L'IMPORTANCE

4.1.2.1 Critères

1. L'importance d'un problème peut être évaluée selon deux critères: - la gravité (critère qualitatif) - le nombre de personnes exposées ou atteintes (critère quantitatif).

2. L'Importance peut être illustrée comme étant le produit de ces deux critères (gravité x quantité). En effet, un problème peut être important s'il est grave môme s'il ne touche, à la limite, qu'une seule personne et, inversement, s'il touche de nom» breux travailleurs même faiblement. {N.B.: l'urgence est un élément de gravité).

3. La quantification pose des problèmes souvent d'ordre technique. Par contre, fa qualification fait appel à des données de nature objective et subjective, ce qui soulève des problèmes de décision où la recherche peut intervenir.

4. SI l'on connaît déjà l'importance du problème, la recherche est inutile sauf pour ren-forcer cette connaissance. Si le problème est nouveau, seule une démarche de recherche permettra d'en estimer l'importance.

5. Le lien est donc ici de nature "conditionnelle" puisque c'est la démarche préventive qui "conditionne" la recherche et de type "résolutif" car la recherche permettra de franchir le noeud de décision.

4.1.2.2 Transformation positive La recherche participe à l'estimation d'un problème de deux façons: (i) par la concep-

tion des instruments et méthodes de mesure des éléments qualitatifs et quantitatifs du problème, (ii) par l'application de ces instruments au terrain ou au problème donné. Cette démarche de recherche doit aboutir :

(1) à la description des conséquences du processus morbide ou accidentel, en termes de : • déficience, incapacité ou handicap, • mortalité, morbidité objective ou diagnostiquée, risque mesuré, • morbidité ressentie ou risque ressenti, • etc...

(2) au dénombrement des populations exposées (3) à la création d'indices sanitaires.

4.1.2.3 Types de recherche VOIR tableau II.

4.1.3 SCHÉMA EXPLICATIF

4.1.3 SCHÉMA EXPLICATIF

4.1.3.1 Critères

1. Comprendre un problème de santé et de sécurité du travail, c'est: - disposer d'une connaissance des déterminants du problème (en terme de

facteurs de risque, par exemple) posséder un schéma du processus morbide ou du processus accidentel

- connaître r "histoire naturelle" de ces processus. Sans un minimum de ces éléments, le problème ne peut jamais être considéré com-me étant "compris".

2. La difficulté réside autour de l'aspect opérationnel de cette compréhension: "suf-fisamment pour agir? "

3. Ici, les critères de décision sont l'objet de nombreux débats, compte tenu des aspects abordés aux points 1.3.1 (multicausaiité des phénomènes de santé), 1.3.2 (recherche et inaction) et 1.4 (contexte de la prévention et de la recherche).

4. Les critères acceptables pour répondre à cet aspect de la question sont ceux de l'ac-tion communautaire, qui repose sur "ta participation active de la population à la définition des problèmes de santé et au choix des moyens d'améliorer le niveau de santé" (6). Cette question ne peut recevoir de réponse satisfaisante en l'absence de ces critères de décision collective.

5. La recherche dépend entièrement de la réponse à cette question, du moins \ts devrait-elle {voir chapitre 4.2).

6. Le lien entre la prévention et la recherche est donc ici de nature fortement "condi-tionnelle" mais de type "contributif" car la recherche n'est pas la seule activité permettant de franchir le noeud de décision.

4.1.3.2 Transformation positive 1. La recherche doit apporter tes éléments identifiés de façon collective comme in-

dispensables pour pouvoir considérer le problème suffisamment compris pour agir. 2. Elle s'attachera donc très spécifiquement à la compréhension de l'histoire naturelle

grâce à l'analyse du processus morbide ou accidentel, c'est-à-dire: l'Identification des facteurs de risque et des relations causales,

- la physio-pathoiogie et l'évolution du processus ou la modélisation du procès de production de l'accident.

3. Par ailleurs, elle participera à l'établissement d'un consensus sur la nature du problème:

niveau social, organisation net ou individuel - agresseur chimique, physique, biologique ou psycho-social (ou multiples

agresseurs) risque lié au mode d'organisation, au procédé de production, aux éléments techniques ou comportementaux, etc...

4. La transformation positive de la réponse à la question est, rappelons-le, affaire de décision communautaire pour la recherche comme pour la prévention.

4.1.3.3 Types de rechercne VOIR tableau lit.

4.1.4 MOYENS D'INTERVENTION

4.1.4.1 Critères

1. Il faut d'abord subdiviser ici la question selon la facette de la prévention que l'on veut ou peut mobiliser prévention primaire, secondaire ou tertiaire.

2. Un moyen efficace de prévention tertiaire n'est jamais totalement satisfaisant et un moyen de prévention secondaire ne l'est qu'un peu plus.

3. Le critère primordial d'affirmation à cette question est donc l'existence d'un moyen de prévention primaire. Dans les deux autres cas, la réponse ne peut être que négative.

4. Ensuite, pour qu'un moyen dont on dispose soit considéré efficace, il faut qu'il ait été évalué (validité, spécificité, sensibilité, etc...), ce qui représente un second critère.

r

5. Enfin, ce moyen doit être acceptable au plan social, humain et économique; c'est le troisième critère.

6. Sans s'étendre plus avant sur l'efficacité des moyens d'intervention, qui est aussi l'objet de nombreux débats, on peut dire que, en l'absence de moyens efficaces (ac-ceptables et valides) de prévention primaire, la démarche préventive n'a pas de véritable sens. La question est d'autant plus importante que la recherche, pour toute une série de raisons, s'intéresse plus souvent à des moyens d'intervention secondaire.

7. La nature du lien entre la recherche et la prévention est donc, ici, "conditionnelle" et le type est "résolutif".

4.1.4.2 Transformation positive 1. La recherche s'intéresse donc au développement, à l'adaptation et à l'implantation

des moyens de prévention qui s'adressent: à la modification de l'environnement au sens large ou restreint à l'adaptation du travail à l'homme au contrôle du milieu, du processus de travail au dépistage et au diagnostic précoce

- à la réadaptation aux systèmes d'urgence.

2. La direction de ces recherches doit être préférablement celle de la prévention primaire.

4.1.4.3 Types de recherche VOIR tableau IV.

4.1.5 STRATÉGIE D'INTERVENTION

4.1.5.1 Critères 1. La stratégie d'intervention est une activité qui a, pour cadre, une unité de prévention. 2. Les critères sont essentiellement liés à la caractérisation du milieu en termes de:

contraintes (économiques, organisationnelles, psychologiques) opportunités

3. Une réponse affirmative suppose que l'on soit en mesure de déterminer ces con-traintes et ces opportunités qui, si elles sont parfois similaires d'une unité d'interven-tion à une autre, sont très exceptionnellement identiques.

4. De plus, la stratégie d'intervention est souvent le point d'achoppement des actions préventives.

5. Le lien entre la prévention et la recherche est donc, ici, de nature "conditionnelle" mais de type "contributif".

4.1.5.2 Transformation positive La recherche doit ici: 1. fournir les concepts, les outils d'analyse et les méthodologies des stratégies

d'intervention, 2. caractériser le milieu en termes de contrainte et d'opportunité, 3. fournir des éléments de décision sur l'acceptabilité des moyens, 4. décrire les populations auxquelles s'adresse la stratégie en question.

4.1.5.3 Types de recherche VOIR tableau V.

4.1.6 L'ÉVALUATION

4.1.6.1 Critères 1. Il n'y a pas ici de critères dans la mesure où toute activité doit être évaluée. 2. Les conclusions faisant suite à cette évaluation peuvent justifier des "ré-entrées"

dans l'algorithme à n'importe quelle étape: importance méconnue, mauvaise com-préhension du problème, inadéquation des moyens ou de la stratégie vis-à-vis des objectifs, etc...

3. L'évaluation est, en elle-même, une activité de recherche. C'est pourquoi le lien entre la prévention et la recherche est ici de nature "formelle" et de type "résolutif".

4.1.6.2 Rôle de la recherche Elle doit:

• fournir les concepts, outils et méthodes de l'évaluation, • appliquer ces derniers, • tester les moyens employés et vérifier leur adéquation avec tes objectifs, • fournir des indices et données nécessaires a l'évaluation.

4.1.6.3 Types de recherche VOIR tableau IV.

4.2 CONSÉQUENCES OPÉRATIONNELLES DE LA DÉMARCHE RECHERCHE-PRÉVENTION 1. La première constatation qui s'impose c'est que l'algorithme décisionnel de la

recherche est superposable à celui de la démarche préventive. 2. C'est, en soi, une seconde réponse à la question principale de ce dossier, à côté de ta

catégorisation de la recherche en regard de la prévention (chapitre 3). 3. La deuxième constatation, qui découle de ia première, est la suivante: bien que l'on

ait accepté au point 1.2.1, avec tous les intervenants, que la recherche donne globale-ment sa légitimité à l'action, cette relation doit être inversée au pian décisionnel où c'est la démarche préventive qui devrait donner sa légitimité à la recherche.

4.2.1 LOGIQUE OPÉRATIONNELLE

4.2.1.1 Révélation et évaluation 1. À ces deux extrémités de la démarche, la recherche est toujours justifiée, puisque le

lien est de nature "formelle". 2. Les intervenants {monde du travail, système de soins, système de surveillance

sanitaire systématique) sont plus souvent concernés dans la révélation d'un pro-blème, car confrontés "en première ligne" avec la réalité de la S.S.T. Mais la recher-che peut également participer à la révélation de problèmes, surtout ceux d'entre eux qui ne sont pas directement observables avec les moyens dont disposent les intervenants.

4.2.1.2 Étapes intermédiaires 1. Pour l'ensemble de ces étapes, la logique opérationnelle du schéma II est que la

recherche trouve sa place de façon automatique si elle permet de "franchir" un noeud de décision, c'est-à-dire d'accélérer la démarche* préventive.

2. D'autre part, cette logique veut que les activités de recherche suivent le déroulement naturel de la démarche, autrement dit qu'elles s'adressent à une étape donnée uni-quement si les noeuds de décision précédents ont été franchis (il est, par exempte, inutile de chercher à comprendre un problème qui n'a pas été jugé important ou de développer des moyens d'intervention pour un problème jugé insuffisamment com-pris pour agir).

3. Enfin, la recherche trouve sa place de façon facultative si elle s'adresse à un noeud de décision déjà franchi mais pour lequel on juge qu'il est utile d'approfondir les con-naissances (on peut, par exemple, avoir franchi le noeud des moyens d'intervention pour ia facette de la prévention secondaire mais juger utile d'entamer des recherches pour développer des moyens de prévention primaire).

4. Dans ce dernier cas, il est indispensable de décider si la recherche en question ris-que de ralentir la démarche préventive, ce qui est alors un critère d'exclusion absolu.

5. Grâce à cette logique opérationnelle, on est en mesure de déterminer, pour chaque problème de santé, quelles sont les activités de recherche immédiatement nécessaires et quelles sont celles qui risquent, au mieux, d'être inutiles et, au pire, de retarder l'action préventive.

4.2.2 MÉCANISMES DE RÉPONSE AUX NOEUDS DE DÉCISION 1. La réponse à chaque question peut être apportée, comme on l'a déjà vu en partie, de

façon collective, c'est-à-dire dans une perspective d'action communautaire. 2. Les intervenants, soit le monde du travail, le système de soins et les systèmes de

surveillance sanitaire systématique, sont évidemment directement impliqués dans cette problématique.

3. Toute une série de questions sont particulièrement critiques de ce point de vue, par exemple, celles qui concernent: « la morbidité ou le risque ressentis (gravité)

la compréhension suffisante pour l'action « l'acceptabilité des moyens ou des stratégies d'intervention,

4. Il est donc logique que le mécanisme mis en place pour la réponse à ces questions dans le cadre de la démarche préventive soit également appliqué dans le cadre de la recherche.

5. Il y a donc un lien supplémentaire entre la prévention et la recherche, dans la mesure où la pertinence de cette dernière devrait être non seulement dirigée par les ques-tions posées dans la démarche préventive, mais également décidée selon le même mécanisme social.

4.2.3 CONTINUUM ET HOMOGÉNÉITÉ DES DÉMARCHES Nous avons, jusqu'à présent, simplifié quelque peu le processus, afin d'en rendre l'ex-

posé plus clair. Il est cependant évident que l'ensemble de cette démarche doit être inter-prété comme un continuum en particulier parce que bien des recherches et des activités de prévention franchissent simultanément plusieurs noeuds de décision successifs et également parce que, comme on l'a vu, des boucles de rétroaction peuvent être ajoutées à chacune des étapes. Nous présentons simplement ici un schéma illustratif des "ré-entrées" dans l'algorithme (schéma 111).

4.3 CONCLUSION DU CHAPITRE 4 Nous sommes parvenus, au cours de ce chapitre, à trois constatations fondamentales:

la première est que l'algorithme décisionnel de la démarche préventive devrait déterminer celui de la recherche dans le domaine de la recherche finalisée pour des objectifs de prévention; la seconde est que, en termes décisionnels, c'est la prévention qui devrait donner sa légitimité à la recherche; la troisième est que le mécanisme social de prise de décision est similaire pour les deux algorithmes.

Nous avons, par ailleurs, déterminé la nature et le type du lien à chacune de ces étapes. En résumé: le lien est formel et contributif pour la révélation de problèmes; conditionnel et résolutif pour l'estimation de l'importance; conditionnel et contributif pour la com-préhension opérationnelle; conditionnel et résolutif pour les moyens d'intervention; con-ditionnel et contributif pour la stratégie d'intervention; et enfin, formel et résolutif pour l'évaluation.

Rappelons ici que la recherche peut elle-même être catégorisée selon des axes très pertinents à la démarche de changement socio-technique de la prévention: recher-che-intervention, recherche-thématique, recherche et développements techniques, recherche-support.

Nous estimons avoir ainsi effectué un tour d'horizon de la problématique principale de ce dossier qui concerne la nature du lien entre la recherche et la prévention.

r COMPRIS A

SUFFISAMMENT V POUR AGIR? y

r STRATÉGIE X o u f ' D'INTERVENTION V DISPONIBLE? X

MOYENS X O U I EFFICACES >—4

DISPONIBLES? / IMPORTANCE CONNUE?

NON

RÉVÉLATION DU

PROBLÈME

RECHERCHE

ÉVALUATION DE L'ACTION OBJECTIFS

ATTEINTS?

RECHERCHE

RECHERCHE

- n OBJECTIFS

DE PRÉVENTION

NON

Schéma III Quelques exemples de "rô-entrôes" dans l'algorithme

I.R.S.S.T. Études E-003 Recherche et prévention page 31

TABLEAUX

TABLEAU 1 Révélation du problème

TYPE OE RECHERCHE ACTIVITÉS EXEMPLES COMMENTAIRES » Recherches

inscrites dans l'action

• mesures de la santé

études du milieu

« bilans de santé sur le terrain

° épidémiologie descriptive

8 toxicologie sur le terrain

« analyse de l'environnement et des postes

Recherche-thématique

"screening" épidémiologique

"screening" toxicologique

"screening" en hygiène

• histoire occupationnelle de tous les cancers incidents, sans hypothèse à priori sur les relations causales.

• test systématique de tout produit chimique utilisé dans l'Industrie.

• évaluation de la nocivité de tout agresseur physique.

- Recherche et développements techniques

• participation qu'indirecte à la révélation de problèmes.

- Recherche-support » mise sur pied de banques de données sanitaires développement méthodologique développement de systèmes informatiques construction des dénominateurs traitement des données systèmes d'information information scientifique

• données de laboratoire, statistiques de lésions professionnelles

• statistiques, indices sanitaires

• gestion de données ou du système de soins

« démographie • épidémiologie

descriptive • transfert de

connaissances

N.B.: Ce tableau n'est qu'illustratif.

TABLEAU 11 Estimation de l'importance du problème

TYPE DE RECHERCHE ACTIVITÉS EXEMPLES ET COMMENTAIRES - Recherches


gravité: • évaluation des risques

• étude de morbidité ressentie, diagnostiquée et objective.

quantification: • mesure de morbidité

ou de mortalité

s'intéresse aux différents problèmes dans le cadre d'une unité de prévention. Les problèmes sont déjà connus (grâce, parfois, à d'autres types de recherche), et l'çn cherche surtout ici à verifier leur importance réelle sur un terrain donné.

• Recherche» thématique

gravité: • description du processus morbide (conséquences)

• description de déficience, incapacité ou handicap

quantification: • populations

exposées ou atteintes

s'intéresse à un objet de recherche qui constitue le problème de santé et J'étudie en général hors des limites de l'unité de prévention.

• Recherche et développements techniques

idem tableau 1 idem tableau 1

- Recherche-support

idem tableau 1 (adapter)


N.B.: Ce tableau n'est qu'îllustratif.

TABLEAU HI Schéma explicatif


inscrites dans l'action.

• compréhension des déterminants des problèmes sur le terrain.

- stimulation de l'établissement d'un consensus sur la nature du problème (recherche-action surtout)

• Ici aussi, ii s'agit soit de vérifier sur le terrain ta présence de déterminants dont l'importance a été mise en évidence par d'autres types de recherche, soit d'isoler des déterminants spécifiques à un terrain donné.

- Recherche-thématique

• analyse du processus morbide (histoire naturelle)

• analyse du procès de production du phénomène accidentel

Ex: déterminants, facteurs de risque, causes, physiopathologie, évolution, temps de latence, dose/effet, etc.


idem tableau 1 idem tableau 1

- Recherche-support



N.B.: Ce tableau n'est qu'illustrât if.

TABLEAU IV Moyens d'intervention

TYPE OE RECHERCHE ACTIVITÉS EXEMPLES ET COMMENTAIRES - Recherches


Prévention primaire - développement et

implantation de moyens d'intervention

Prévention secondaire • adaptation d'outils de

dépistage Prévention tertiaire - adaptation du travail aux

personnes handicapées

• en étroite relation avec un terrain spécifique

• Recherche-thématique

Prévention primaire • développement et validation

de méthodes d'intervention Prévention secondaire - développement de méthodes

de dépistage et d'enquête Prévention tertiaire - développement de méthodes

de réadaptation - développement de systèmes

d'urgence

Ex: contrôle du milieu, etc

• s'adresse à un problème-objet (qui peut être commun à plusieurs terrains)


Prévention primaire • développement de moyens

techniques de contrôle

Prévention secondaire • développement d'outils de

dépistage

Prévention tertiaire • moyens de réadaptation et

systèmes d'urgence

Ex: - contrôle du milieu - contrôle du processus de

travail - protection individuelle

• c'est ici que ce type de recherche joue un rôle primordial.

- Recherche-support


idem tableau f (adapter)

N.B.: Ce tableau n'est qu'îllustratif.

TABLEAU V Stratégies d'Intervention



- contraintes économiques, organisationnelles, psychologiques

• opportunités


' développement de concepts, outils d'analyse utilisés dans les stratégies d'Intervention

» Recherche et développements techniques

• n'intervient qu'en s'interfaçant avec d'autres composantes

- Recherche-support


Ex: description des populations auxquelles s'adresse la stratéaie

N.B.: Ce tableau n'est qu'illustratif.

TABLEAU VI Évaluation

TYPE DE RECHERCHE ACTIVITÉS COMMENTAIRES - Recherches


• études d'impact

• études de processus

• directement inscrites dans ia démarche préventive dans le cadre d'une unité de prévention


- développement des concepts généraux, outils d'analyse et méthodes générales de l'évaluation

- études de cas

• permet surtout des généralisations


- évaluation des moyens techniques employés

- Recherche-support

• création d'indices et de données nécessaires à la mesure du degré d'atteinte des objectifs

N.B.: Ce tableau n'est qu'lllustratif.

I.R.S.S.T. Études Recherche et prévention

E-003 Page 38

RÉFÉRENCES

1) Rapport du groupe de travail chargé d'élaborer des recommandations pour la mise en oeuvre d'un organisme ayant comme fonction la recherche en santé et en sécurité du travail Septembre 1981.

2) "Livre blanc". Santé et sécurité au travail. Editeur officiel du Québec, 1978.

3) Universités et médecine du travail. Colloque tenu sous le patronage des facultés de médecine des universités Laval, McGill, de Montréal et de Sherbrooke. 16 mars 1978.

4) Donabedian, A.: Aspects of Medical Care Administration. Harvard University Press, 1976.

5) Pineault, R.: Eléments et étapes d'élaboration d'un programme de santé communautaire. Union médicale du Canada, 1976. Vol. 105.

6) Rochon, J.: Santé communautaire dans le système régional de services de santé et des services sociaux. Annuaire du Québec 1975-1976. Pp. 470-476, éditeur officiel du Québec.

7) Voir Donabedian: op. cité.

RÉSUMÉ

Nous tentons, dans ce dossier, d'expliciter le lien entre ia recherche et la prévention en santé et en sécurité du travail. Les raisons d'être de cette question sont de quatre ordres: (i) raisons de santé publique; (ii) raisons liées à la prévention en santé et en sécurité du travail; (iii) raisons liées aux caractéristiques de la recherche; (iv) raisons liées au contexte de la prévention et de la recherche.

Après avoir revu l'algorithme de la démarche préventive, nous distinguons quatre étapes: (i) préalables à l'intervention (révélation d'un problème, estimation de son importance, compréhension opérationnelle); (ii) planification proprement dite de l'intervention (moyens et stratégie); (iii) action, (Iv) évaluation. La recherche est ensuite catégorisée selon quatre axes: recherche-intervention, recherche-thématique, recherche et développements techniques, recherche-support.

Nous en arrivons à la conclusion que l'algorithme de la prévention devrait déterminer celui de la recherche, selon la nature formelle ou conditionnelle du lien à chacune des étapes et selon le type de ce lien (résolutif ou contributif). Nous constatons également que les mécanismes sociaux de prise de décision sont similaires. Enfin, nous tirons quelques conclusions en termes opérationnels à partir des éléments de ce dossier.

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