Lesrésultats exceptionnelsdeIasi, sondeuratmosphérique...

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19 La Météorologie - n° 72 - février 2011 Météorologie spatiale Les résultats exceptionnels de Iasi, sondeur atmosphérique hyperspectral de Metop T. Phulpin (1) , C. Camy-Peyret (3) , J. Taylor (2) , C. Clerbaux (4) , P. Coheur (5) , C. Crevoisier (6) , D. Edwards (7) , A. Gambacorta (8) , V. Guidard (9) , F. Hilton (2) , N. Jacquinet (6) , R. Knuteson (10) , L. Lavanant (9) , T. McNally (10) , M. Matricardi (10) , H. Revercomb (11) , C. Serio (12) , L. Strow (13) , P. Schlüssel (14) , D. Klaes (14) , C. Larigauderie (1) (1) Centre national d’études spatiales (Cnes) (2) UK Met Office (3) Laboratoire de physique moléculaire pour l’atmosphère et l’astrophysique (LPMAA) (4) Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (LATMOS) (5) Université libre de Bruxelles (ULB) (6) Institut Pierre-Simon Laplace/Laboratoire de météorologie dynamique (IPSL/LMD) (7) National Center for Atmospheric Research (NCAR) (8) National Oceanic and Atmospheric Administration/ Satellite Applications and Research (NOAA/STAR) (9) Météo-France (10) European Centre for Medium-Range Weather Forecast (ECMWF) (11) Cooperative Institute for Meteorological Satellite Studies (CIMSS), université de Madison (12) Université de la Basilicate (13) Université de Maryland (14) European Organisation for the Exploitation of Meteorological Satellites (Eumetsat) Résumé La deuxième conférence internatio- nale Iasi (Infrared Atmospheric Sounding Interferometer), qui s’est tenue à Sévrier (Haute-Savoie) du 24 au 29 janvier 2010, a rassemblé 150 scientifiques de tous horizons pour faire le point sur l’instrument Iasi, le traitement des données, les résultats de son exploitation, trois ans après sa mise en service, et pour envisager les suites du programme. Dans cet arti- cle, on présente l’instrument monté sur les trois satellites Metop d’Eumetsat qui se succéderont jus- qu’en 2020. On illustre succinctement les extraordinaires performances de cet instrument devenu référence pour l’interétalonnage de capteurs infra- rouges. Après un rappel sur l’organi- sation du traitement des données, les perspectives à court et moyen termes sont mises en lumière. La partie prin- cipale traite des résultats les plus récents exposés à la conférence dans les différents domaines d’application de Iasi : la prévision numérique, l’étude de la composition atmosphé- rique, les applications opérationnel- les de la chimie atmosphérique et le suivi du changement climatique. Le dernier paragraphe est consacré au futur avec les évolutions attendues des produits et les perspectives de l’après Iasi avec le sondeur infra- rouge sur Météosat troisième généra- tion et le sondeur Iasi nouvelle génération. ... I asi (Infrared Atmospheric Sounding Interferometer) est un interféromètre de Michelson couvrant le domaine spectral infrarouge 645-2 760 cm -1 (3,8 à 15,5 µm), destiné au sondage atmo- sphérique à haute résolution. L’objectif affiché est d’une précision de 1 K par tranche de 1 km pour la température et de 10 %/km pour l’humidité. Il s’agit d’un capteur hyperspectral (1) , qui pré- sente 8 461 canaux quand la plupart des instruments n’en disposent que de quelques-uns et dont la résolution spec- trale permet d’analyser finement les spectres des molécules actives dans l’infrarouge, autorisant la détection de gaz traces et la restitution des profils atmosphériques avec une bonne résolu- tion verticale. Réellement innovant, cet instrument a été conçu par le Centre national d’études spatiales (Cnes), voir Cayla, 2001. Il a été réalisé et financé conjointement par le Cnes et l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorolo- giques (Eumetsat) et développé par Thales Alenia Space (Blumstein et al., 2004 ; Siméoni et al., 2004). Le premier modèle de vol a été embarqué sur le satellite Metop-A, lancé le 22 octobre 2006. Deux autres modèles sont déjà assemblés et voleront sur Metop-B (2012) et Metop-C (2016). Ces satelli- tes, qui sont mis en œuvre par Eumetsat, constituent la contribution européenne à l’International Joint Polar System, Metop assurant la couverture du matin (heure du nœud descendant : 9 h 30) complémentaire de celle des satellites météorologiques polaires américains. Iasi fournit des mesures de lumi- nance infrarouge (radiances) dans 8 461 canaux spectraux sur des pixels de 12 km de diamètre (voir encadré p. 21). (1) Se dit d’un instrument doté d’au moins une centaine de canaux spectraux. Ces instruments sont en général des spectromètres ou des interfé- romètres.

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19La Météorologie - n° 72 - février 2011

Météorologiespatiale

Les résultatsexceptionnels de Iasi,sondeur atmosphériquehyperspectral de MetopT. Phulpin(1), C. Camy-Peyret(3), J. Taylor(2), C. Clerbaux(4), P. Coheur(5),C. Crevoisier(6), D. Edwards(7), A. Gambacorta(8), V. Guidard(9),F. Hilton(2), N. Jacquinet(6), R. Knuteson(10), L. Lavanant(9), T. McNally(10),M.Matricardi(10), H. Revercomb(11), C. Serio(12), L. Strow(13),P. Schlüssel(14), D. Klaes(14), C. Larigauderie(1)

(1) Centre national d’études spatiales (Cnes)(2) UK Met Office(3) Laboratoire de physique moléculaire pour l’atmosphère et l’astrophysique

(LPMAA)(4) Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (LATMOS)(5) Université libre de Bruxelles (ULB)(6) Institut Pierre-Simon Laplace/Laboratoire de météorologie dynamique

(IPSL/LMD)(7) National Center for Atmospheric Research (NCAR)(8) National Oceanic and Atmospheric Administration/

Satellite Applications and Research (NOAA/STAR)(9) Météo-France(10) European Centre for Medium-Range Weather Forecast (ECMWF)(11) Cooperative Institute for Meteorological Satellite Studies (CIMSS),

université de Madison(12) Université de la Basilicate(13) Université de Maryland(14) European Organisation for the Exploitation of Meteorological Satellites

(Eumetsat)

RésuméLa deuxième conférence internatio-nale Iasi (Infrared AtmosphericSounding Interferometer), qui s’esttenue à Sévrier (Haute-Savoie) du 24au 29 janvier 2010, a rassemblé 150scientifiques de tous horizons pourfaire le point sur l’instrument Iasi, letraitement des données, les résultatsde son exploitation, trois ans après samise en service, et pour envisager lessuites du programme. Dans cet arti-cle, on présente l’instrument montésur les trois satellites Metopd’Eumetsat qui se succéderont jus-qu’en 2020. On illustre succinctementles extraordinaires performances decet instrument devenu référence pourl’interétalonnage de capteurs infra-rouges. Après un rappel sur l’organi-sation du traitement des données, lesperspectives à court et moyen termessont mises en lumière. La partie prin-cipale traite des résultats les plusrécents exposés à la conférence dansles différents domaines d’applicationde Iasi : la prévision numérique,l’étude de la composition atmosphé-rique, les applications opérationnel-les de la chimie atmosphérique et lesuivi du changement climatique. Ledernier paragraphe est consacré aufutur avec les évolutions attenduesdes produits et les perspectives del’après Iasi avec le sondeur infra-rouge sur Météosat troisième généra-tion et le sondeur Iasi nouvellegénération.

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Iasi (Infrared Atmospheric SoundingInterferometer) est un interféromètrede Michelson couvrant le domaine

spectral infrarouge 645-2760 cm-1 (3,8à 15,5 µm), destiné au sondage atmo-sphérique à haute résolution. L’objectifaffiché est d’une précision de 1 K partranche de 1 km pour la température etde 10 %/km pour l’humidité. Il s’agitd’un capteur hyperspectral(1), qui pré-sente 8 461 canaux quand la plupart desinstruments n’en disposent que dequelques-uns et dont la résolution spec-trale permet d’analyser finement lesspectres des molécules actives dansl’infrarouge, autorisant la détection degaz traces et la restitution des profilsatmosphériques avec une bonne résolu-tion verticale. Réellement innovant, cetinstrument a été conçu par le Centrenational d’études spatiales (Cnes),voir Cayla, 2001. Il a été réalisé etfinancé conjointement par le Cnes etl’Organisation européenne pourl’exploitation des satellites météorolo-giques (Eumetsat) et développé par

Thales Alenia Space (Blumstein et al.,2004 ; Siméoni et al., 2004). Le premiermodèle de vol a été embarqué sur lesatellite Metop-A, lancé le 22 octobre2006. Deux autres modèles sont déjàassemblés et voleront sur Metop-B(2012) et Metop-C (2016). Ces satelli-tes, qui sont mis en œuvre parEumetsat, constituent la contributioneuropéenne à l’International Joint PolarSystem, Metop assurant la couverturedu matin (heure du nœud descendant :9 h 30) complémentaire de celle dessatellites météorologiques polairesaméricains.

Iasi fournit des mesures de lumi-nance infrarouge (radiances) dans8 461 canaux spectraux sur des pixels de12 km de diamètre (voir encadré p. 21).

(1) Se dit d’un instrument doté d’au moins unecentaine de canaux spectraux. Ces instrumentssont en général des spectromètres ou des interfé-romètres.

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Figure 1 - Géométrie de visée de l’instrument Iasi.

Un balayage de part et d’autre de latrace du satellite permet de couvrir unebande de 2 100 km de large (figure 1).

L’étalonnage radiométrique est d’uneprécision remarquable ainsi que leconfirme l’interétalonnage avec le spec-tromètre Airs(1) réalisé soit aux points decroisement orbitaux (figure 2), soit pardouble différence (Strow et al., 2010)ou par comparaison avec des mesuresde l’imageurAATSR(2) (Remedios et al.,2010). La contamination par la glacesur la fenêtre d’entrée de la boîte froide,où sont logés les détecteurs refroidisjusqu’à 91 K, est suivie avec précisionet parfaitement maîtrisée. Elle s’avèrefaible et ne requerra qu’un nombreréduit de décontaminations. Les don-nées relevées régulièrement par le cen-tre d’expertise technique (TEC) du

Cnes au cours de la recette en vol(Blumstein et al., 2007) et, depuis lors,en phase de routine (Buffet et al., 2010)ou le suivi des radiances (« L1 monito-ring ») réalisé par Eumetsat (Fiedler etal., 2010) confirment l’extrême stabilitétemporelle de Iasi aux plans radiomé-trique et spectral. La stabilité par rap-port à Airs est illustrée en figure 3(Tobin et al., 2010). La précision, lastabilité et la couverture continuedu spectre dans l’infrarouge thermiqueconfèrent à l’instrument Iasi un rôled’étalon pour plusieurs capteurs infra-rouges tels que les radiomètres ima-geurs très utilisés, embarqués sur lessatellites météorologiques opérationnelsMétéosat ou des satellites américains.Cet interétalonnage est essentiel pour lesuivi des variables climatiques. Lesméthodes appropriées sont étudiées et

AbstractThe exceptional performanceof IASI, METOP’s multispectralatmospheric sounder

The second international IASI confe-rence took place in Sévrier (France)from 24 to 29 January 2010. About150 scientists from all countries atten-ded the conference to assess the IASIperformance, discuss the processingof the data, examine the main resultsof its exploitation since its launchthree years ago and also to considerdevelopments. In this article we des-cribe the IASI instrument embarkedonboard Eumetsat’s three Metopsatellites series aloft until 2020. Theextraordinary performance of thisinstrument, which is now consideredas a reference for infrared sensors’calibration is shown.The data proces-sing scheme is recalled and the per-spectives of upgrading are explained.The conference was presented withthe most recent results in the variousapplication domains of IASI, numeri-cal weather forecasting, atmosphericcomposition and climate monitoring,which are emphasized. Finally, thefocus is on the future with the expec-ted evolution of the current productsand also the perspectives after theIASI era with the sounder onMeteosat Third Generation and alsothe IASI New Generation, IASI-NG.

(1) Airs : Atmospheric Infrared Sounder, spectro-mètre à réseaux de la National Aeronautics andSpace Administration (Nasa), embarqué sur lesatellite Aqua.

(2) AATSR : Advanced Along Track ScanningRadiometer.

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B(T

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TempsNombre d'onde (cm-1)

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AIR

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IASI

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in(K

)

IASIAIRS

Figure 2 - Interétalonnage de Iasi avec Airs aux points de croisement orbitaux. Cette figure montre, en haut à gauche, l’évolution des luminances de Iasi et Airs à 698 cm-1 et,en bas à gauche, l’écart entre les deux observations calculé selon la technique de Double différence entre observation et simulation par un modèle : Obs-Calc (Airs) – Obs-Calc (Iasi). À droite, la courbe rouge représente l’écart moyen en fonction du nombre d’onde. (© L. Strow)

La Météorologie - n° 72 - février 2011

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mises en place dans le cadre du GlobalSatellite Inter-Calibration System(GSICS, http://gsics.wmo.int) [Goldberget al., 2011].

Les interruptions dues aux impacts pardes ions lourds ou provoquées par laperte de référence pour le calage du zérode la différence de marche optique desinterférogrammes sont rares et des solu-tions ont été mises en place pour réduirela durée d’interruption, circonvenir lesincidents au-dessus de la zone d’anoma-lie géomagnétique du Pacifique sud, etc.Au total, la disponibilité de Iasi appro-che 96 %. Des modifications du logicielde prétraitement conçu au Cnes ont étéintégrées récemment afin d’augmenterencore la disponibilité des donnéeseffectivement utilisables pour les appli-cations opérationnelles ou scientifiques.

Eumetsat réceptionne les données globa-les à la station de Svalbard, les traite puisles dissémine dans un délai de 2h15après l’acquisition. La transmission entemps quasi réel des volumes gigan-tesques de données (~ 1,3 millionde spectres par jour) est réalisée via lesystème Eumetcast, qui s’appuie sur dessatellites de télévision. Pour les pays noncouverts, une sélection de 366 canauxproposée par Collard (2007) est distri-buée via le Système mondial de télécom-munications de l’Organisation météo-rologique mondiale (OMM). Le flot dedonnées inclut les produits de niveau 1(spectres en radiance étalonnés et géolo-calisés) et de niveau 2 (produits géophy-siques). À brève échéance, au « day-2 »,les données fournies incluront égalementdes spectres fortement compressés selonune méthode statistique établie parEumetsat (Hultberg, 2010). En France,

les données sont reçues via Eumetcast àToulouse, à Lannion et à l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL) pour le pôle decompétence en chimie atmosphériqueEther.

Utilisationdes donnéesLes données de niveau 1 sont utilisées defaçon opérationnelle par les centres deprévision météorologique qui les assimi-lent directement dans les modèles.

Pour produire des données géophy-siques, Eumetsat a développé des traite-ments de niveau 2, paramétrables etconfigurables, s’inspirant des algo-rithmes proposés par l’ISSWG(1)

(Schlüssel et al., 2005). Ces traitementspermettent de retrouver dans chaquepixel des prof ils atmosphériquesde température et d’humidité sur100 niveaux, des profils et colonnesd’ozone, les caractéristiques de la cou-verture nuageuse, des colonnes de CO,de CH4, de CO2 et de N2O. Les profils

atmosphériques et les informations surles nuages ont été validés et, leurconformité aux spécifications des utili-sateurs ayant été établie, sont distribués« en opérationnel » par Eumetsat. Enchimie atmosphérique, les produitsozone et CO ont été validés (Boynard etal., 2009 ; George et al., 2009).

Aux États-Unis, la National Oceanicand Atmosphéric Administration(NOAA) a développé ses propres traite-ments de niveau 2 (Gambacorta, com-munication privée).

De nombreux laboratoires de rechercheont également mis au point des algo-rithmes pour restituer leurs propres pro-duits. De façon générale, à la différencedes centres de prévision, ils utilisenttous les pixels et un nombre élevé decanaux choisis de façon spécif iqueparmi les 8 461 éléments spectraux deIasi pour chaque espèce ou paramètrecible.

Les progrès dans le traitement des don-nées et la qualité des produits sont sui-vis par l’ISSWG, établi depuis 1996 parle Cnes et Eumetsat, qui identifie lesdomaines prioritaires, met en place desexercices d’intercomparaison et fait desrecommandations aux agences encharge du sondeur.

L’apport à la prévisionmétéorologiqueAprès le lancement de Metop, les don-nées Iasi ont été très vite intégrées dansles schémas d’assimilation des modèlesglobaux et leur impact positif a étérapidement démontré. L’utilisation desdonnées Iasi est désormais très fré-quente dans les modèles globaux. Peu à

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Figure 3 - Stabilité de l’instrument : comparaison des moyennes mensuelles de Iasi et Airs aux points d’intersec-tion des orbites. Les données sont comparées pour la bande de 1 460 à 1 527 cm-1. (© D. Tobin)

(1) ISSWG : International IASI SoundingScientific Working Group, groupe scientifiquedont sont membres tous les auteurs de cette com-munication.

Les données IasiAprès un traitement complet de la télémesure, les données de niveau 1c de Iasi consis-tent en des spectres de luminance, bien étalonnés spectralement et radiométriquement,échantillonnés avec un pas spectral régulier et proprement géoréférencés. Les luminan-ces sont fournies dans 8 461 canaux tous les 0,25 cm-1 après apodisation (opération clas-sique pour les mesures de spectres par transformée de Fourier, qui permetd’homogénéiser la fonction spectrale de l’instrument sur tout le domaine spectral) parune fonction de réponse instrumentale unique d’une largeur à mi-hauteur de 0,5 cm-1.Les produits 1c incluent également des informations dérivées d’AVHRR (Advanced VeryHigh Resolution Radiometer) permettant de caractériser les surfaces présentes à l’inté-rieur des pixels de 12 km de diamètre au nadir.Les pixels de Iasi sont les éléments d’unematrice 2×2 espacés de 18 km. Une « boîte » de2×2 pixels est coregistrée avec la position d’un pixel Amsu (Advanced MicrowaveSounder Unit) de 50 km de diamètre. Le balayage de -48,3 à +48,3° de part et d’autre dela trace (soit une fauchée au sol de 2 100 km) est réalisé en 8 secondes par un miroir àcompensation de filé (dispositif mécanique pour maintenir le pointage sur un pixel pen-dant l’avance du satellite). Il y a au total 30 positions de visée et 3 visées d’étalonnage.Les spectres de luminance sont étalonnés radiométriquement par visée d’un corps noiret par celle de l’espace froid. Une calibration spectrale d’une très grande précision estégalement réalisée (précision relative d’environ 2 ppm).

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peu, l’utilisation des données a étéétendue aux modèles à aire limitée(LAM). Les développements les plusrécents concernent l’intégration dansles modèles régionaux à courteéchéance. Pour chaque modèle, lesconditions d’utilisation des donnéesdiffèrent. Une classification a été éta-blie par Hilton (2010) et est reproduitedans le tableau 1.

Modèles globauxet modèles à aire limitéeParmi les centres qui assimilent les don-nées Iasi, on compte notamment :– le Centre européen pour les prévisionsmétéorologiques à moyen terme(CEPMMT ou ECMWF en anglais) ;– Météo-France ;– le UK Met Office, service météorolo-gique national britannique ;– le Deutscher Wetterdienst (DWD),service météorologique national alle-mand ;– le Met No, service météorologiquenorvégien ;– la National Oceanic and AtmosphéricAdministration (NOAA) ;– le National Centers for EnvironmentalPrediction (NCEP, États-Unis) ;– le Naval Research Laboratory (NRL) ;– Environnement Canada.

Tous assimilent des radiances, sauf leDWD qui, pour son modèle à airelimité, utilise un schéma de « nud-ging(1) ». Les données sont largementécrémées, les centres n’utilisant qu’unpixel tous les 120 km environ. Cet écré-mage (« thinning ») est effectué pouréviter d’introduire des erreurs corréléesdans l’assimilation. De plus, les centresn’utilisent pour l’instant qu’un nombreassez réduit de canaux (200 au plus), laplupart dans les bandes du CO2 auxgrandes longueurs d’onde. En effet, cedomaine d’absorption du gaz carbo-nique a été très utilisé (mais avec unerésolution spectrale nettement moinsbonne) et est donc le mieux connu (enparticulier pour la spectroscopie) etc’est donc avec l’utilisation des canauxdans cette région spectrale que l’apportde Iasi est attendu en premier lieu pourle sondage de température. Seuls cer-tains centres commencent à utiliser unedizaine de canaux des bandes intensesd’absorption de la vapeur d’eau, en neretenant que ceux qui ont des fonctionspoids au-dessus du niveau 700 hPa. Lenombre de canaux sélectionnés est sou-vent restreint au-dessus des terresémergées et des glaces. Il est fortementdépendant des contrôles de qualité misen place pour rejeter l’informationincompatible avec l’erreur a priori dumodèle. La limite supérieure d’altitude

des modèles (en particulier pour lesLAM) empêche l’utilisation descanaux sensibles à haute altitude. Pourles corrections de biais, deux méthodessont en concurrence. Le code de trans-fert radiatif utilisé par la plupart descentres est le code RTTOV(2), toutefoisles centres américains préfèrent le codeCRTM(3). Les erreurs d’observation pri-ses en compte dans l’assimilation domi-nent largement la somme du bruitinstrumental et de l’incertitude de trans-fert radiatif (figure 4), ce qui tendrait àprouver que beaucoup peut encore êtrefait pour améliorer l’utilisation des don-nées du sondeur Iasi.

Si, pour l’instant, les centres limitent l’uti-lisation des radiances Iasi aux cas de cielclair ou à une utilisation restreinte descanaux dont le maximum de sensibilité se

Modèle Domaine z/P, nombre Résolution Type Correctionde niveaux horizontale d’assimilation des biais

Met Office Global Global 80 km/L70 ~60 km 4D-Var Harris&KellyNAE Atlantique nord 39 km/L38 ~12 km 4D-Var Harris&Kelly

et EuropeUK4/UKVD* UK 40 km/L70 4/1,5 km 3 ou 4D-Var Harris&Kelly

Météo-France Arpège Global 0,1 hPa/L60 10-60 km 4D-Var VarBC**Aladin Europe de l’Ouest 0,1 hPa/L70 7,5 km 3D-Var VarBCArome France 0,1 hPa/L60 2,5 km 3D-Var VarBC

ECMWF Global Global 80 km/L91 ~25 km 4D-Var VarBC

DWD GME Global 10 hPa/L60 40 km 3D-Var Harris&KellyCosmo-EU Europe 20 hPa/L40 7 km Nudging Harris&Kelly

Met No Harmonie Pôle Nord 0,2 hPa/L60 11-16 km 3D-Var VarBCet Europe

NCEP GFS Global 0,27 hPa/L64 ~35 km 3D-Var VarBCNAM Régional 2 hPa/L60 12 km 3D-Var VarBC

Env. Canada GEM Global 0,1 hPa/L80 ~33 km 4D-Var Self udpadtingH&K like

NRL NAVDAS-AR Global 0,4 hPa/L42 ~55 km 4D-Var Harris&Kelly

* ECMWF : European Center for Medium range Weather Forecast.** Schéma variationnel pour correction des biais des mesures vis-à-vis des champs des modèles de prévision.

Tableau 1 - Utilisation des données Iasi dans les modèles de prévision numérique dans différents services météorologiques (Hilton et al., 2010). En rouge,les modèles avec assimilation opérationnelle, en noir les modèles avec assimilation en test. (Crédit : F. Hilton)

(1) Le nudging (ou relaxation newtonienne)consiste à ajouter aux équations d’état du systèmeun terme de rappel, proportionnel à la différenceentre les observations et la quantité correspon-dante calculée par la résolution du système deséquations d’état. Le modèle apparaît alors commeune contrainte faible et le terme de rappel force lesvariables du modèle à coller avec les observations.

(2) RTTOV : Code de transfert radiatif rapidepour la simulation des mesures des satellitesmétéorologiques.

(3) CRTM : Community Radiative TransferModel, modèle rapide de transfert radiatif.

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situe au-dessus des nuages (déterminéssuivant des méthodes différentes d’uncentre à l’autre), la tendance est à allervers une utilisation des radiances affectéespar les nuages. Les premières réflexionssur ce sujet laissent espérer des progrès

signif icatifs dans la description del’atmosphère dans les régions sensibles(McNally, 2010).

L’impact positif des données Iasi surles scores de prévision est admis par

tous les centres. Mais les méthodesd’évaluation de l’impact étant différen-tes d’un centre à l’autre, une comparai-son directe est difficile. Chaque centreexprime ses résultats à travers diversgraphiques dont un exemple est donnéen figure 5. L’impact positif de Iasi estvraiment bon aux échéances moyennes(72 heures et un peu plus). Commeattendu l’impact est plus fort dans l’hé-misphère sud, mais il y a également unbénéf ice dans l’hémisphère nord.L’assimilation des données Iasi apporteun impact de même qualité, voiremeilleur, que les autres systèmes spa-tiaux antérieurs (comme le radiomètremicro-ondes Amsu(1)). L’impact de Iasisemble légèrement supérieur à celuid’Airs (figure 6), l’addition des deuxpermettant un gain appréciable parrapport à chacun d’eux. Une expé-rience de « privation » (conséquencepour la prévision de la suppressiond’une observation) des données desdifférents instruments de Metop amontré également le gain lié à lasynergie de l’ensemble des mesures(Bauer et al., 2009, communicationprivée).

L’utilisation des données Iasi dans desmodèles à domaines limités posequelques problèmes spécifiques :– les domaines concernent des régionscontinentales où la connaissance del’émissivité des sols est indispensable ;– les corrections de biais, généralementétablies à l’échelle globale, demandentdonc une attention particulière.D’ailleurs, les corrections des modèlesglobaux ne sont pas toujours applicablestelles quelles. Ce problème est biencerné et les centres de prévision explo-rent différentes méthodes, y compriscelle de redéfinir une correction de biaisspécifique. Mais il faut être prudent carles pièges sont nombreux : grandesvariations saisonnières, échantillonnagede tous les angles de visée, etc. ;

Erreurs d'observation utilisées dans l'assimilation

1000 1500 2000 2500Nombre d'onde

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METOFFICE

ECMWF

MÉTÉO-FRANCE

Erre

urd'

obse

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ion

(K)

Figure 4 - Erreurs d’observation utilisées dans l’assimilation par différents centres d’assimilation : en noir, bruitradiométrique et, en cyan, incertitude totale (bruit radiométrique + erreur de transfert radiatif). Cette figure illus-tre le fait que les erreurs d’observation prises en compte dans l’assimilation excèdent notablement l’incertituderéelle des observations. (© F. Hilton)

Figure 5 - Impact de l’utilisation des radiances nuageuses Iasi dans le cas de la tempête Klaus (Fourrié, 2010). Lescartes représentent le champ de pression (à gauche) et le vent et la vorticité potentielle à 850 hPa (à droite). Lapremière ligne montre l’analyse du CEPMMT le 24/01/2009 à 06 UTC. La deuxième ligne est la prévision Arpège à102 heures pour cette échéance obtenue sans utiliser Iasi (REF). En bas (EXP), en utilisant les données Iasi dans laprévision. La comparaison montre que le champ prévu lorsque les données Iasi sont utilisées est bien plus prochede la réalité (l’analyse). [© N. Fourrié]

(1) Amsu : Advanced Microwave Sounding Unit,radiomètre à balayage opérant dans le domainedes micro-ondes.

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0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 100 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

0,025

0,05

-0,075

0,075

0,050

0,025

0

0,025

0,05

-0,075

Échéance de prévision (jour)

Figure 6 - Apport des spectromètres infrarouges à la prévision numérique dans l’hémisphère sud. L’ordonnée représente la différence de corrélation d’anomalie à 500 hPa entreune prévision avec assimilation des données de Iasi (resp. Airs, resp. Iasi + Airs) et une prévision de référence n’assimilant pas ces données. Les impacts positifs sont indiquéspar les valeurs négatives. Avec Iasi, cet impact se fait sentir jusqu’à 6 jours. L’utilisation des deux sondeurs apporte une amélioration significative du score (jusqu’à 7 jours).

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24 La Météorologie - n° 72 - février 2011

modèles de prévision numérique dutemps.

L’expérience Concordiasi (Rabier, 2010)avait pour but de tester ces possibilités demieux utiliser les données Iasi dans lesmodèles d’assimilation, en particulier au-dessus des glaces de l’Antarctique. Cetteexpérience a déjà produit nombre derésultats scientifiques de grand intérêt etl’exploitation des données se poursuit. Àtitre d’exemple, la figure 8 montre labonne cohérence entre la température desurface analysée par le modèle Aromeavec Iasi et la température de surfacemesurée à Concordia enAntarctique.

En conclusion, de très bons résultats ontdéjà été obtenus, mais l’utilisation d’unnouveau sondeur spatial très performantcomme Iasi en prévision numériquenécessite de très longs développementsqui se poursuivent pas à pas.

La compositionatmosphériqueLe domaine spectral de Iasi couvre desbandes d’absorption intenses des gaz àeffet de serre tels que CO2, CH4, N2Oou O3, une bande de CO et une multi-tude de bandes des molécules présentesde façon naturelle à l’état de trace dansl’atmosphère ou résultant de l’actionanthropique tels que les composés orga-niques volatils ou les chlorofluoro-carbones. Iasi s’avère donc un outil trèsprécieux pour l’analyse de la composi-tion atmosphérique avec pour finalité le

– la nécessité d’estimer la températurestratosphérique.

En dépit de ces difficultés, les résultatsobtenus sont prometteurs. En témoigneune illustration de l’expérience d’éva-luation menée sur la situation de la tem-pête Klaus (figure 5).

Modèles à mésoéchelleL’utilisation des données Iasi dans lesmodèles à mésoéchelle tels qu’Arome(Météo-France) ou UKVD (Met Office)apparaît prometteuse. Nombre d’obser-vations satisfont au test de qualité etpeuvent être utilisées avec un impactvisible sur l’analyse. L’utilisation de Iasia un impact sur le champ de vent et surles précipitations (figure 7) prévues parle modèle, identique à celui résultant del’assimilation des radars de précipi-tions, avec un très léger gain sur les pré-visions de précipitations (Guidard,2010). PourArome, des résultats encou-rageants ont été obtenus avec un écré-mage moins lâche (80 km au lieu de120 km).

Domaines de progrèsDes études sont en cours pour assimilerdavantage de données Iasi :– utiliser les radiances en situation nua-geuse ;– assimiler plus de canaux vapeur d’eau ;

– assimiler plus de radiances sur les ter-res émergées et les glaces (en caractéri-sant mieux la température et l’émissivitéde surface) ;– assimiler les aérosols, les espèces chi-miques et les gaz traces déduits desmesures de Iasi.

Des investigations sont menées pourmieux décrire et comprendre les corré-lations entre les erreurs d’observationdes différents canaux, puis pour les uti-liser dans l’assimilation dans les

Figure 7 - Comparaison des prévisions de précipita-tion du modèle Arome, observations déduites deIasi et mesures pluviométriques. Le 21 mai 2009,entre 00 h UTC et 12 h UTC :a) prévision à 12 heures sans l’utilisation de Iasi ;b) prévision à 12 heures avec utilisation de Iasi ;c) les mesures pluviométriques.On observe dans le Nord de la France l’absence depluie mesurée conformément à la prévision « Iasi »et en Alsace et sur le Massif central des pluies bienprévues avec Iasi. (© V. Guidard)

Variations de la température de surface

Date

Tem

péra

ture

desu

rfac

e(d

egré

sCe

lsiu

us)

-25

-30

-35

-40

21 Novembre 2009 12 Décembre 2009

ModèleModèle + IASI

Observations de référence

Figure 8 - Comparaison des températures de surface obtenues avec Arome intégrant Iasi (en bleu), sans Iasi (enrouge) et mesurées au sol à Concordia en Antarctique (en noir). [© A. Vincensini et F. Rabier]

a

c

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suivi opérationnel de la qualité del’air, la détection des impacts acci-dentels (éruptions volcaniques, feux)ou dus à l’action anthropique (feuxde brousse) et l’étude des interac-tions chimie-climat. Iasi est sansdoute le premier sondeur atmosphé-rique infrarouge qui permette, grâceà sa couverture continue de l’infra-rouge thermique, avec une relative-ment bonne résolution spectrale etune très bonne qualité radiomé-trique, d’accéder à tant d’espèces.Si pour certaines espèces l’instru-ment n’autorise à ce stade que ladétection, il en est que Iasi permetde quantifier avec une précision trèsintéressante et une résolution verti-cale qui, bien que limitée, s’avèreutile à l’exploitation scientifique.

Les espèces majeures

L’ozoneIasi permet d’aborder plusieurs problé-matiques scientifiques liées à l’ozone(O3) :– la surveillance de l’ozone stratosphé-rique et notamment du trou d’ozone enAntarctique ;– le transport d’ozone et les intrusionsvers la troposphère ;– l’évolution de l’ozone troposphériqueliée à la pollution atmosphérique et lesrelations entre la qualité de l’air et leclimat (effet de serre dû à l’ozonetroposphérique par exemple).

Une analyse du contenu en informationmontre que Iasi présente 2,5 à3,5 degrés de liberté pour les profilsd’ozone. Le nombre de degrés de liberté(Degrees of Freedom ou DOF suivant laterminologie de l’analyse en contenud’information) donne une estimation dunombre d’éléments d’information indé-pendants en fonction de l’altitude. Il estdonc possible non seulement de restituerle contenu intégré mais également troiscolonnes partielles. La définition de cescolonnes diffère suivant les conditionsgéophysiques du lieu de l’observation.Le maximum de sensibilité est obtenupour la haute troposphère (autour de10 km) et pour la très basse stratosphèreautour de 18 km. Iasi peut donc apporterdes informations très utiles à l’étudedes interactions troposphère-strato-sphère (Upper Troposphere Lower

Stratosphere, UTLS). Il y a peu d’infor-mation au-dessus de 40 km. Si lecontraste thermique est favorable, lesdonnées Iasi sont relativement sensiblesdans la basse troposphère (au-dessousde 6 km) et, dans le cas de pollutionassez sévère, Iasi peut être utilisé pour lesuivi de la qualité de l’air. Les méthodesd’inversion utilisées sont soit desréseaux de neurones (August, 2010),soit des méthodes d’estimation optimale(Scannel et al., 2010 ; Barret, 2010) oude régularisation(1) (Eremenko etDufour, 2010 ; Wassmann et Landgraf,2010).

Les premières assimila-tions Iasi de l’ozone ontété réalisées et mon-trent des résultats plusqu’encourageants, quece soit à partir des pro-fils d’ozone (Massart,2010) ou des radiances(Han etMcNally, 2010).En effet, ces auteurs, quicomparent les profilsd’ozone de Iasi avecceux, très précis, du son-deur au limbe MLS(2),montrent une précisionau moins aussi bonneque celle des profilsobtenus avec les son-deurs ozone classiquesutilisant les bandes ultraviolettes (UV).

Une validation approfondie a été réali-sée sur ces produits par croisement avecd’autres données satellite comme celles

(1) Dans un problème d’inversion matricielle, larégularisation consiste à ajouter dans la fonctionde coût à minimiser un terme quadratique dépen-dant de la variable à retrouver.

(2) MLS : Microwave Limb Sounder.

Figure 9 - Intrusion d’ozone stratosphérique vue parIasi le 22 avril 2009. De fortes concentrations (enorange) sont mesurées dans le Pacifique nord (voirencadré sur la figure du haut) pour la colonne totaled’ozone. Cette intrusion d’ozone stratosphérique des-cend jusque dans la troposphère comme le montre leprofil de la figure du bas où un pic est mesuré vers12 km. (© C. Scannell)

du spectromètre à balayage Gome-2(Global Ozone Monitoring Experi-ment), de l’instrument OMI (OzoneMonitoring Instrument), du spectro-mètre imageur à balayage Sciamachy oudu sondeur au limbe MLS, aussi bienqu’avec des mesures in situ de sondesd’ozone (Barret, 2010). Typiquement,les biais sont de l’ordre de 6 % pour lacolonne totale (RMS de 7 %), avec unesurestimation par rapport aux sondeursUV. Ces biais sont en général assezréduits pour les colonnes partiellestroposphériques (de l’ordre de 5 %) maisles écarts-types restent assez forts (envi-ron 40 % pour une colonne 0-6 km ;20 % pour une colonne 0-12 km et 10 %pour une colonne 0-18 km). Pour lescolonnes les plus basses, les erreurs pro-viennent essentiellement de la mauvaiseconnaissance des propriétés de surface(température et émissivité) et parfois desinversions de température au voisinagede la surface. Une part non négligeableincombe également aux nuages ou auxaérosols qui contaminent les mesures(Barret, 2010).

La production de cartes d’ozone estdésormais opérationnelle à Eumetsatmais aussi dans certains laboratoirescomme l’Université libre de Bruxelles(ULB). La production systématiquede cartes permet le suivi dans le tempsde phénomènes tels que les intrusionsd’ozone stratosphérique dans latroposphère (f igure 9). Les cartesd’ozone troposphérique sont aussi utili-sées pour analyser la pollution desgrandes mégapoles (figure 10 ; Dufouret al., 2010). Naturellement ces don-nées viennent aussi compléter les

Figure 10 - Distribution spatiale mensuelle de l’ozonede la basse troposphère retrouvé avec Iasi autour deBeijing (Chine). Les valeurs en rouge correspondent àde fortes concentrations. Celles-ci peuvent être obser-vées à partir du printemps lorsque la photolyse devientimportante dans les zones à forte concentrationurbaine (Dufour et al, 2010).

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nombreuses données collectées pour ana-lyser, année après année, le trou d’ozonede l’Antarctique. (Scannel et al., 2010)

Le monoxyde de carboneLe monoxyde de carbone (CO) est ungaz réactif qui contribue à la formationdes gaz à effet de serre CO2 et O3.Étant également un puits pour le radi-cal OH, sa présence influence laconcentration de méthane dansl’atmosphère. C’est aussi un gaz quel’on retrouve dans les émissions résul-tant des processus de combustion(automobiles, centrales thermiques,foyers…) et en forte quantité dans lesfeux de biomasse. Sa durée de vieétant de deux mois, le CO peut êtretransporté sur de longues distances. Lamesure avec une bonne résolution spa-tiale et temporelle de CO est donc pré-cieuse pour le suivi du temps chimique,c’est pourquoi le projet Macc(1) (pour leservice atmosphérique de GMES(2)) en afait l’un de ses produits essentiels.

Délivrée sur une base opérationnelle parEumetsat, la colonne de monoxyde decarbone est un produit phare de Iasi.Les méthodes d’inversion pour CO ontété étudiées par de nombreuses équipes(Pommier, 2010 ; Illingsworth, 2010 ;Edwards, 2010). Le nombre de degrésde liberté est compris entre 0,8 et 1,8.Dans les cas favorables, on peut doncretrouver deux sous-colonnes tro-posphériques, typiquement pour 0-5 kmet 5-11 km. En dehors d’Eumetsat quiutilise une méthode de réseaux neuro-naux (August, 2010), la méthode d’in-version utilisée est une méthoded’estimation optimale. La différence deperformance entre les différents algo-rithmes résulte principalement de l’in-formation a priori utilisée, du filtragedes nuages et de la connaissance desprofils atmosphériques et de la surface.

Des validations intensives ont été réali-sées, principalement par comparaisonavec le produit de l’instrument Mopitt(Measurements of Pollution in theTroposphere, instrument du satelliteaméricain Terra), dédié à la cartogra-phie de CO, ou avec des sorties demodèle de chimie-transport. La préci-sion pour la colonne totale est estimée àenviron 10 %. La principale limitationvient de la méconnaissance des condi-tions de surface et des inversions detempérature.

Les cartes établies sur une base systé-matique par le LATMOS (Laboratoire,atmosphères, milieux, observations spa-tiales) sont transmises régulièrement auCEPMMT pour être utilisées dansMacc (figure 11).

Récemment, les cartes de CO établiesavec Iasi ont permis d’illustrer l’exten-sion des panaches et le transport dumonoxyde de carbone lors des feux deRussie (George et al., 2010).

Le dioxyde de carboneet le méthaneLa restitution de la colonne de dioxydede carbone (CO2) avec une précisioncompatible avec les besoins de la com-munauté du cycle du carbone reste déli-cate, car les variations dues au CO2 sontde l’ordre de grandeur du bruit radiomé-trique. De plus, les radiances Iasi dansles bandes de CO2, comme dans toutl’infrarouge, dépendent en premier lieudu profil de température et toute incerti-tude sur cette variable vient rejaillir surla concentration restituée. Néanmoins,l’utilisation simultanée des observationsréalisées dans les micro-ondes par l’ins-trument Amsu compagnon de Iasi surMetop-A, qui sont quant à elles sensiblesà la température mais pas au CO2, per-mettent de restituer un contenu intégréde CO2 dans la haute troposphère(autour de 9-14 km) à l’aide d’une infé-rence non linéaire fondée sur desréseaux de neurones (Crevoisier et al.,2009a). Une moyenne sur des mailles de5° et sur un mois permet d’obtenir uneprécision d’environ 2 ppmv. L’analyse

des cycles saisonniers et des tendancesvalidées par des mesures aéroportéesfournit d’importantes informations surl’évolution du CO2 et son transport dansl’atmosphère (figure 12).

Concernant le méthane (CH4), Iasiapporte, dans le meilleur des cas, 1,5 à2 informations sur la verticale, locali-sées dans la troposphère. La colonnetotale de méthane est restituée régulière-ment par des méthodes de réseauxneuronaux (Crevoisier et al., 2009b) oupar régularisation. Les comparaisonsavec des données du NDACC (Networkfor the Detection of AtmosphericComposition Change) montrent un biaisde l’ordre de 1,5 % et un écart quadra-tique moyen de 4,7 % (Kerzenmacher etal., 2010).

Les gaz traces mineursLa restitution d’espèces mineures cons-titue le résultat le plus novateur obtenuavec Iasi. Au total, le nombre d’espècesdont la signature a pu être mise en évi-dence avec Iasi est compris entre 20 et25 (Coheur, 2010). Iasi est ainsi lepremier instrument à proposer desmesures de l’ammoniac (NH3) [Clarisseet al., 2009] permettant de détecter desrégions cultivées contaminées parl’émission de ce gaz et de renseigner lesmodèles développés pour suivre l’évo-lution de cette pollution.

Iasi permet aussi la restitution de l’acidenitrique (HNO3) présent en abondancedans l’UTLS.

(1) Macc : Monitoring Atmospheric Compositionand Climate.

(2) GMES : Global Monitoring of Environmentand Security.

Figure 11 - Carte de mensuelle de CO (août 2009, mesures jour uniquement) illustrant le produit dérivé de Iasi ettransmis sur une base quotidienne à Macc. (© M. George)

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27La Météorologie - n°72 - février 2011

Figure 12 - Cycle annuel du CO2 rapporté à la moyenne annuelle. Comparaison du CO2 Iasi avec celui mesuré parl’Observatoire de Mauna Loa (MLO) à Hawaii, Airs et l’avion de la compagnie aérienne nationale japonaise JALentre 0° et 20° de latitude Nord. Le décalage temporel est dû au transport vertical du CO2 (Crevoisier et al., 2010).

L’acide formique (HCOOH) et leméthanol (CH3OH) dégagés par lesfeux de biomasse peuvent égalementêtre mis en évidence et quantif iés(Razavi et al., 2010 ; figure 13).

Pour le dioxyde de soufre (SO2), Iasitire parti des deux bandes d’absorptionà 1 150 et 1 350 cm-1, pour détecter etquantifier les émissions de cette espècelors des éruptions volcaniques et four-nir une évaluation de l’altitude dupanache (Karagulian et al., 2010 ;

figure 14). Disposer de la continuité duspectre permet de distinguer le SO2 desaérosols de cendre et des nuages deglace, comme l’a prouvé le suivi despanaches volcaniques lors de l’épisodedu volcan islandais Eyjafjallajökull.

Les aérosolsCertains aérosols comme les nuages depoussière désertique (« desert dust »),les nuages de cendres volcaniques, les

nuages d’aérosols contenant de l’acidesulfurique/nitrique ou encore lespanaches de feux peuvent être aisé-ment détectés avec Iasi. En effet, lessilicates qui entrent dans la composi-tion des particules du type cendre oupoussière présentent des bandesd’absorption assez marquées dans l’in-frarouge, notamment dans la région1 000-1 300 cm-1. Les carbonates ontaussi cette particularité. La caractérisa-tion de certains nuages comme ceuxd’acide sulfurique ou des panaches defeux de biomasse est relativementaisée. Elle est fondée, en premier lieu,après détermination préalable de lastructure de l’atmosphère en tempéra-ture et en vapeur d’eau, sur l’ajuste-ment des deux caractéristiquesessentielles que sont l’épaisseuroptique et l’altitude moyenne de lacouche de particules. On peut, dansune seconde étape, déterminer desparamètres microphysiques tels que lataille moyenne des particules. Cet ajus-tement peut se révéler diff icilelorsqu’il y a des minimums locaux dansle processus de minimisation. De plus,la caractérisation des poussières déser-tiques reste plus complexe du faitd’atlas d’indices de réfraction incom-plets ou de la granulométrie étendue entaille des particules qu’on trouve dansces aérosols (Clarisse et al., 2010).

En revanche, un choix judicieuxde canaux Iasi permet de restituer defaçon très convenable l’épaisseur optiqueet l’altitude des aérosols absorbants. Une

3

2

1

Février Avril Juin Août Octobre Décembre

0

-1

-2

-3

IASI 9-15 km (max à 13 km) AIRS 5-15 km (max à 10 km)

MLO 4 km (GLOBALVIEW-2008)JAM/CONTRAL aircraft ~ 10km

Figure 13 - Variations saisonnières des distributions de l’acide formique, HCOOH (Razavi et al., 2011). Les valeurs les plus fortes observées dans les zones tropicalescorrespondent aux émissions de feux de biomasse.

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Figure 14 - Détection du SO2, des cendres et des aérosols de cendres et d’acide sulfurique lors de l’éruption vol-canique du Kasatochi (îles Aléoutiennes en Alaska) :a) les spectres Iasi observés à côté (rouge) ou au-dessus du panache (noir) indiquent très clairement la présenced’aérosols de cendres en plus de gaz SO2 (absorption à ν1 = 1 152 et ν3 = 1 362 cm-1) ;b) un mois après, on peut détecter la présence d’H2SO4 (Karagulian et al., 2010). [© P.-F Coheur]

application intéressante et prometteuseest la climatologie des panaches de pous-sières désertiques (Peyridieu et al., 2010)dont on peut caractériser la nature ainsique l’épaisseur optique, l’altitude et ladistance à la zone source par transportatmosphérique.

Apport pour desvariables climatiquesessentiellesLe programme des satellites en orbitepolaire (EPS) d’Eumetsat avec Metops’étale sur 15 ans (avec trois modèlessuccessifs de Iasi) et permet donc deconstituer de longues séries temporelles,

ce qui est indispensable pour établir desclimatologies et étudier les évolutions duclimat. Iasi a été conçu en priorité avecpour objectif de restituer des profilsatmosphériques avec une précision de1 K/1 km pour la température et10 %/1 km pour l’humidité. L’assimi-lation des radiances dans les modèlesde prévision numérique permet de com-biner Iasi avec de nombreuses autresobservations pour fournir in fine lameilleure caractérisation possible del’état atmosphérique. La validation desprofils restitués avec Iasi seul n’est doncpas la première priorité de la commu-nauté NWP (Numerical WeatherPrediction). Cependant, les prof ilsatmosphériques inversés sont utilisés parune large communauté et méritent de res-ter considérés comme des objectifsessentiels et dûment validés. Parmi les

utilisations de ces profils atmosphé-riques, les études de variabilité du climatnécessitent de disposer de ThematicClimate Data Records (série temporellede produits géophysiques homogénéiséed’un satellite à l’autre pour permettre lesuivi de variables climatiques) issusd’un même système qui peuvent se mon-trer utiles, en complément des réanalyses.L’utilisation de Iasi pour faire despseudo-radiosondages pour la prévision« experte » (travaux de Lavanant) resteune application très importante qui visel’aide au prévisionniste. En outre, les pro-fils sont utilisés en direct dans des modè-les à mésoéchelle comme Arome. Lesdonnées de niveau 2 produites parEumetsat sont également distribuées surle réseau de diffusion des données météo-rologiques. Enfin, les engagementsd’Eumetsat établis dans les spécificationsde mission concernent ces produits et larecette impose une validation de ces pro-fils par des moyens appropriés.

L’optimisation des techniques d’inver-sion reste une préoccupation de la com-munauté ainsi que la validation. Lesméthodes utilisées peuvent être soit desméthodes statistiques fondées sur lescomposantes principales, soit une inver-sion non linéaire optimale – dite « 1D-Var » – (avec différentes méthodes derégularisation). Pour ces inversions,l’ébauche peut être fournie soit par uneanalyse du modèle soit par une prévi-sion ou à partir d’une première inver-sion avec une méthode statistique(réseau de neurones ou régression surdes supercanaux). Un exercice d’inter-comparaison des résultats d’inversion aété mené par l’ISSWG sur les donnéesde validation de la campagne de mesu-res Jaivex (Hilton et al., 2009). La com-paraison montre que les résultats sontplus ou moins semblables, et que la pré-cision sur la température est tout à faitsatisfaisante. En revanche, les variationsverticales de l’humidité sont difficiles àrestituer. Le choix de l’ébauche estessentiel pour ajuster au mieux le profilréel (Lavanant, 2010). Pougatchev(2009) a exploité les données de valida-tion collectée à Lindenberg (Alle-magne) pour affiner la validation desproduits de niveau 2 d’Eumetsat (figure15). Dans les basses couches, l’erreurde restitution reste assez forte pourl’humidité. Elle l’est aussi au-dessusdes continents pour la température. Ceproblème trouve ses causes dans la fortecorrélation des radiances spectrales sen-sibles aux basses couches avec lesradiances de surface. Il est dû aussi àl’incertitude sur l’émissivité et auxinversions de température fréquentesdans la couche limite atmosphérique.

300

280

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Nombre d'onde (cm-1)

ν1 + ν3 2500

ν3 1362

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800 900 1000 1100 1200 1300

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Nombre d'onde (cm-1)

Nombre d'onde (cm-1)

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(K)

a)

b)

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29La Météorologie - n°72 - février 2011

Figure 15 - Validation des profils de température déduits de Iasi avec les sondages réalisés à Lindenberg enAllemagne (Pougatchev, 2010). À gauche l’écart type (en noir) et à droite l’erreur moyenne des écarts entre lesprofils restitués avec Iasi par Eumetsat et les radiosondages réalisés à Lindenberg.

Pour ce qui concerne la température desurface, la précision sur mer est plutôtbonne. Sur les continents, elle est liéeà la détermination de l’émissivité.Plusieurs équipes s’attachent à cette esti-mation. La technique repose sur unecaractérisation des composantes princi-pales liées à l’émissivité (Knuteson etRevercomb, 2004).

Pour les nuages, Eumetsat fournitcomme produits la fraction nuageuse, latempérature de sommet du nuage, sonniveau de pression, l’émissivité et laphase du nuage. Plusieurs équipess’intéressent à la caractérisation desnuages soit à des fins climatologiquessoit pour améliorer l’inversion en condi-tions nuageuses. Un exercice d’inter-comparaison a été mis en place parl’ISSWG, coordonné par L. Lavanant.La synthèse fait ressortir des résultatsassez similaires quant à la détection nua-geuse. À ce stade, la référence choisiepour la couverture nuageuse reste celledonnée dans chaque pixel de l’imageurAVHRR(1), présent avec Iasi sur le satel-liteMetop. Il y a plus de divergence dansl’analyse des situations où plusieurs cou-ches nuageuses sont présentes. La com-paraison des autres paramètres (pressionau sommet des nuages) fait égalementapparaître des divergences. Il reste doncdes progrès à faire pour la caractérisationdes nuages. Des études sont menées pouraccéder à des paramètre radiatifs oumicrophysiques, avec des résultatsencourageants.

Le futurDeux autres modèles de vol Iasi serontlancés respectivement en 2012 et 2016.D’ici-là, les produits auront sans nul

doute été améliorés et d’autres variablesgéophysiques auront été restituées.Néanmoins, les limites intrinsèques deIasi pour ses diverses applications, qu’ils’agisse de résolution spatiale ou deperformance radiométrique, sont d’oreset déjà perceptibles. Certains problèmespourront être résolus grâce à l’informa-tion multitemporelle qui sera disponibleavec le spectro-imageur infrarouge quisera monté sur la 3e génération deMeteosat. En dépit d’une résolutionspectrale plus grossière que Iasi, ce cap-teur possède une meilleure résolutionspatiale (4 km au sous-point satellite) etune répétitivité de 30 mn. Il permettrad’avoir une meilleure estimation desparamètres de surface et d’échantillon-ner de façon plus convenable les varia-tions spatio-temporelles de l’humidité.Cependant ce capteur hyperspectral,avec une résolution spectrale de seule-ment 0,75 cm-1, ne permettra pas unedescription fine des profils verticaux.

En ce qui concerne les produits issus deIasi, leur résolution verticale et leur préci-sion ne pourront être améliorées quegrâce à une meilleure résolution spectraleet à une meilleure performance radiomé-trique. La nouvelle génération de Iasi,Iasi-NG, spécifiée par la communautéscientifique et à l’étude au Cnes, offriraune résolution spectrale deux foismeilleure et un bruit radiométrique deuxfois moindre que Iasi. Les premièressimulations réalisées montrent les gainsspectaculaires sur la précision des profilsatmosphériques dans les basses coucheset aussi les gains pour la chimieatmosphérique avec des profils plus pré-cis et plus détaillés pour l’ozone et pourle CO ainsi que la quantification d’espè-ces pour l’instant seulement détectéesavec Iasi (Clerbaux, 2010). Cette pro-chaine génération de sondeurs infrarou-

ges est étudiée pour satisfaire les exi-gences de la communauté météorolo-gique vis-à-vis des produits attendus dela génération de satellites polairesd’Eumetsat qui succédera àMetop pourla période 2020-2035.

ConclusionsLes résultats de Iasi, après trois ansd’exploitation, sont remarquables. Lestout premiers résultats mettaient enexergue l’impact positif des donnéesIasi sur la prévision. Les travaux pouraméliorer cet impact se poursuiventdans des directions prometteuses avecl’utilisation de Iasi dans les régionsnuageuses et au-dessus des terres émer-gées. Des résultats inattendus ont éga-lement été obtenus avec l’utilisation deIasi dans des modèles à mésoéchelle,ce qui augure bien de l’impact attendudu sondeur infrarouge de MeteosatThird Generation à l’horizon 2017. Lacomparaison entre les profils atmosphé-riques restitués avec Iasi et des mesuresin situ (dropsondes, radiosondages)montre que l’objectif de 1 K/1 km estbien tenu sur mer mais qu’il subsistedes problèmes pour l’humidité (dans lesbasses couches). Les études pour amé-liorer ces produits se poursuivent.

Des résultats très spectaculaires ont étéobtenus en chimie atmosphérique. Lacapacité de Iasi à restituer des profilsd’ozone, avec des informations trèsutiles dans la basse troposphère ou auxalentours de la tropopause, a étédémontrée. Les colonnes de CO issuesde Iasi sont assimilées sur une baserégulière dans GMES-Macc. En outre,Iasi est le premier instrument à détec-ter certaines espèces comme l’ammo-niac et à permettre une analyse despanaches de feux et des espèces relâ-chées lors de ces événements. Les car-tes de cendres volcaniques ont étélargement montrées à l’occasion del’éruption de l’Eyjafjallajökull. Enfin,pour les applications climatiques, lacaractérisation des nuages et des surfa-ces (température, émissivité) est trèssatisfaisante mais nécessite d’êtremieux valorisée.

Le potentiel de Iasi est certainementencore loin d’être totalement exploité.Les études se poursuivent pour amélio-rer les produits et étendre encorel’usage des données, d’autant que la

(1) AVHRR : radiomètre avancé à très haute réso-lution. C’est un instrument imageur multispectral.

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durée du programme Iasi (15 ans) laisseencore du temps pour exploiter l’instru-ment de façon optimale.

On commence cependant à mieux cer-ner les déf is à relever pour la pro-chaine génération Iasi-NG dont leconcept est à l’étude : exploitation enconditions nuageuses, améliorationdes profils dans les basses couches,

amélioration de la résolution verticalepour O3, CO, CH4 ou HNO3 et quanti-fication des espèces seulement détec-tées avec Iasi.

Pour f inir, il importe de soulignerl’avance considérable prise parl’Europe avec Iasi. Du côté américain,Airs est en fin de vie et Cris (Cross-track Infrared Sounder), le sondeur

hyperspectral qui ne volera sur lesatellite NPP qu’à partir de 2011, estmoins performant et ses capacitésspectrales sont très réduites par rapportà Iasi. C’est pourquoi la NOAA(l’agence météorologique américaine),envisage très sérieusement d’équiper, àpartir de 2025, ses satellites météorolo-giques polaires avec Iasi-NG.

Sur le site http://smsc.cnes.fr/IASI/A_conference.htm, sont disponibles les communications à la deuxième conférence internationale Iasi qui s’est tenue du 24 au29 janvier 2010 (à Sévrier en Haute-Savoie) des auteurs suivants : T. August, B. Barret, L. Buffet, L. Clarisse, C. Clerbaux, P. F. Coheur, C. Crevoisier, G. Dufour,M. Eremenko, D. Edwards, L. Fiedler, N. Fourrié, M. George, V. Guidard, F. Hilton, T. Hultberg, S. Illingsworth, T. Kerzenmacher, J. Landgraf, L. Lavanant,A. McNally, S. Massart, S. Peyridieu, M. Pommier, J. Remedios, C. Scannel, L. Strow, D. Tobin et A. Wassmann.

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